Littérature

Jean-Michel Guenassia, antihéros à travers le siècle

Il avait marqué les esprits avec un excellent premier roman, en 2009, Le club des incorrigibles optimistes. Dans La vie rêvée d’Ernesto G., Jean-Michel Guenassia revient avec la même verve narrative, la même façon de mêler fiction et réalité, de faire sentir à travers ses personnages les échos de l’histoire du XXe siècle. à suivre…

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Joël Dicker, mécanique pour Goncourt?

Près de quarante ans après Chessex, Joël Dicker pourrait devenir le second Suisse à obtenir le prix Goncourt. Roman virtuose, La vérité sur l’affaire Harry Quebert se révèle époustouflant, mais ne cache pas quelques faiblesses.

par Eric Bulliard

Mardi, vers 13 h, le restaurant Drouant, à Paris, frémira de sa folle agitation annuelle. Les dix membres de l’Académie Goncourt auront choisi parmi quatre finalistes. Et peut-être que Joël Dicker sera devenu le second Suisse à obtenir le plus prestigieux prix littéraire français, près de quarante ans après Jacques Chessex. à suivre…

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Le chef-d’œuvre de Julie Otsuka

C’est un livre bouleversant au style génial. De jeunes Japonaises s’embarquent vers les Etats-Unis pour trouver un mari. Elles ne connaissent de leurs futurs époux que photos brillantes et lettres enflammées. Ce sont des faux! Elles construisent leur vie, en proie à des hommes qui les maltraitent, à des Américains qui les exploitent et, finalement, à des enfants qui les rejettent. Quand elles semblent avoir conquis leur place, Pearl Harbor les condamne à un nouvel exil. Fruit d’une longue recherche historique, le livre de l’Américano-japonaise Julie Otsuka mêle les voix de ces centaines de femmes. En quelque 140 pages, on découvre un concentré de tout ce qu’elles ont vécu – de nombreux malheurs et quelques bonheurs. C’est une incantation prodigieuse qui parvient à une unité sidérante. Un livre sublime et terrible, à la fois roman de l’exil, du déracinement, et plongée dans notre condition humaine.

par Charly Veuthey

Julie Otsuka
Certaines n’avaient jamais vu la mer
Phébus / 140 pages
notre avis: ♥♥♥♥ 

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Cavanna se raconte

Paru en 2008 en hors-série de Charlie-Hebdo, Cavanna raconte Cavanna va ressortir dans une nouvelle version, en format beau livre, aux Editions Les Echappés, créées par l’hebdomadaire satirique. Cavanna revient sur son parcours (son enfance, la création de Hara-Kiri et Charlie…) à travers textes, photos et dessins.

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Noir Désir, autopsie d’une meurtrissure

Aujourd’hui sort A l’envers, à l’endroit, la première biographie crédible de Noir Désir après le drame de Vilnius. Au-delà de la polémique, elle raconte la poésie rageuse et les zones d’ombre de son chanteur Bertrand Cantat.

par Christophe Dutoit
noirdesirComme si le simple fait d’évoquer Noir Désir était déjà un gros mot… La semaine passée, alors même que la biographie A l’envers, à l’endroit était encore sous presse (elle sort aujourd’hui), la polémique enflait autour de la page 213. Dans la bouche du batteur Denis Barthes, l’auteur Marc Besse raconte l’implosion du groupe, en 2010: «Nous étions tous assis là. D’un coup, dans la discussion, Bertrand a complètement changé et s’est comporté comme une ordure. Il s’est positionné comme une victime. Vilnius n’était pas de sa faute. Comme si Marie avait glissé sur une savonnette. […] Il nous a tous accusés d’avoir besoin de sa notoriété. Il était en plein délire. J’ai vite compris son jeu. Il a fait avec nous ce qu’il a toujours fait avec les femmes et les copines depuis que je le connais: quand il a envie de rompre, il pousse les gens au bout de leurs limites pour que ce soit eux qui mettent fin à l’histoire et lui évitent de prendre ses responsabilités. Il ne sait pas s’arrêter et préfère fuir. […] On répétait depuis des semaines et des semaines. Tout était prêt pour passer à l’enregistrement. Mais il n’avait pas fini un seul texte… Il a eu peur, il a voulu se défiler peut-être.»

à suivre…

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Linda Lê, après le choc

Van, le premier narrateur, est mort. Du fond de son cercueil, il raconte son histoire, qui se mêle à celle de sa femme, de sa fille adolescente et de son amante, dans une construction polyphonique assez classique. Né au Vietnam, qu’il a fui en 1975, Van s’est intégré à la société française par son goût de la langue et de la littérature, au point de devenir correcteur pour un éditeur parisien. Il a mené une vie simple, sans histoire, jusqu’à l’irruption de la troublante Ulma. Leur relation a fini par déboucher sur l’accident qui lui a coûté la vie. Linda Lê tire avec habileté les fils de cette histoire qui prend racine dans son Vietnam natal. Elle distille les coups de théâtre, l’humour et la tendresse, pour signer un roman émouvant. Toujours en lice pour le plus prestigieux des prix littéraires français, Lame de fond ferait toutefois un Goncourt un peu lisse.

par Eric Bulliard

Linda Lê
Lame de fond
Christian Bourgois / 280 pages
notre avis: ♥♥

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Niccolò Ammaniti, se cacher plutôt que d’avouer

Considéré comme l’un des jeunes auteurs italiens les plus doués, Niccolò Ammaniti faisait dans la satire caricaturale avec La fête du siècle, son dernier livre traduit en français (2011). Changement total de registre avec Moi et toi: nous voici dans un émouvant récit d’adolescence aux allures de conte noir. Lorenzo, 14 ans, n’ose avouer son mal-être à ses parents. Pour leur cacher sa solitude, il s’invente une invitation au ski. Sauf qu’au lieu de partir avec ses amis à Cortina, il se cache dans la cave. Il a tout prévu pour y passer une semaine, mais une intruse ne tarde pas à le rejoindre. Sur cette excellente idée de départ, Niccolò Ammaniti tisse un attachant portrait d’adolescent, qui touche extrêmement juste, malgré une fin moins convaincante. A noter que Bernardo Bertolucci en a tiré un film, présenté ce printemps à Cannes.

par Eric Bulliard

Niccolò Ammaniti
Moi et toi
Robert Laffont / 162 pages
notre avis: ♥♥

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Eric Valmir, l’Italie vue de l’intérieur

Il ne fait pas partie des romans les plus médiatisés de cette rentrée littéraire et c’est bien dommage. Gros coup de cœur, en effet, pour ce Magari, deuxième roman d’Eric Valmir. Journaliste, ancien correspondant de Radio France à Rome, il a mis dans ses pages magnifiques sa fine connaissance de l’Italie et de son histoire récente. Magari (ce mot italien, intraduisible, sent le fatalisme et la mélancolie, se situe quelque part entre «si seulement» et «peut-être pas») suit le destin de Lorenzo, des années 1970 au début des années 2000. Autrement dit, de l’affaire Aldo Moro à l’avènement de Berlusconi.

Le jeune homme grandit entre un père communiste (qui va le dégoûter de la politique) et une mère qui cache comme elle peut ses fêlures. Entre sa bande de copains et sa passion pour le foot, pour la Roma en particulier. L’histoire de sa vie, Lorenzo la revit alors qu’il est couché au sol, dans la rue, après avoir été renversé par une voiture. Ce qui pourrait ressembler à un artifice romanesque permet en réalité d’accroître la tension, jusqu’à cette fin parfaitement réussie. Chronique d’une jeunesse romaine, Magari invite à dépasser les clichés sur l’Italie et ses habitants, pour mieux fouiller dans sa complexité, dans ses contradictions. Avec l’émotion en plus.

Eric Bulliard

Eric Valmir
Magari
Robert Laffont (384 pages)

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Quentin Mouron, figure de proue de la relève romande

Quentin Mouron a cartonné avec Au point d’effusion des égouts, publié en 2011. Il confirme avec son deuxième roman, Notre-Dame-de-la-Merci. Rencontre en plein vignoble du Lavaux…

par Charly Veuthey

Nous avons rencontré Quentin Mouron à Chardonne. L’occasion était belle. Il participait, jeudi dernier, au vernissage de Millésime, le roman de Daniel Fazan, dans les caves de Jean-François Neyroud-Fonjallaz. Ça ressemblait à une fête de famille, avec la présence de la majorité des auteurs d’Olivier Morattel.

Quentin Mouron est originaire de Chardonne. Mais son parcours l’en a éloigné. Parti au Québec à l’âge de trois ans, il y a grandi, avant de revenir en Suisse à 12 ans. Après l’école, à Oron-la-Ville, et le gymnase, à Lausanne, il est reparti en Amérique du Nord, où est né son premier livre. Ce voyage, il l’a surtout fait pour prendre l’air. Mais il est toujours difficile de dire qu’on part prendre l’air. «Je lisais beaucoup, j’avais envie d’écrire. On me demandait ce que j’allais faire aux Etats-Unis. Je n’en avais aucune idée. J’ai dit que j’allais écrire un livre. Mes amis se sont enquis de l’avancement du projet. Je n’avais rien fait. Je me suis lancé.» à suivre…

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Vassilis Alexakis, au Luxembourg, où tout se mêle

Entre le rêve, la réalité et la fiction, Vassilis Alexakis ne choisit pas. Il les place sur un même plan, les mêle avec une liberté et une aisance remarquables. Le narrateur se remet d’une opération, se déplace lentement avec ses béquilles. Il aime se promener dans le jardin du Luxembourg, papoter avec une dame pipi ou un S.D.F. Avec le Sénat, le théâtre des marionnettes et les anciens promeneurs célèbres de ces lieux, défile tout un pan de la littérature et de la culture occidentales, de Tarzan à Jean Valjean, de Don Quichotte à Guignol. A travers L’enfant grec, Vassilis Alexakis questionne l’art même du roman et de la création artistique. Il le fait avec subtilité, sous l’apparence d’un récit enjoué, empli d’autodérision. Avec son air de ne pas y toucher, l’auteur de La langue maternelle revisite aussi son propre passé sans paraître pesant ni nombriliste.

par Eric Bulliard

Vassilis Alexakis
L’enfant grec
Stock / 320 pages

notre avis: ♥♥ 

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Jérôme Ferrari, la fin d’un monde

C’est l’histoire d’une famille, d’une amitié, d’un bar en Corse, de la fin d’un monde, de la chute de Rome… C’est une histoire profondément humaine, portée par une écriture magnifique, tour à tour exigeante et limpide. Pour son cinquième roman, Jérôme Ferrari frappe un sacré coup: Le sermon sur la chute de Rome passionne par sa trame tendue autant que par les symboles qu’elle véhicule. C’est dire si, une fois de plus, résumer ce livre revient à le trahir, tant il contient de richesses.

Disons simplement qu’on y suit la trajectoire de Matthieu et Libero, deux jeunes Corses qui renoncent à de brillantes études pour revenir au village et reprendre un bar qui périclite. Dans un va-et-vient entre présent et passé (les pages sur le destin de Marcel, grand-père de Matthieu, sont fabuleuses), Jérôme Ferrari s’appuie sur cette histoire banale pour réfléchir sur notre société et notre tendance à détruire ce que l’on a édifié.

par Eric Bulliard

 

 

Jérôme Ferrari
Le sermon sur la chute de rome
Actes Sud / 208 pages
notre avis: ♥♥♥ 

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Mathias Enard, à Tanger, un rêve de liberté

Tout ce que veut Lakhdar, c’est «être libre de voyager, de gagner de l’argent, de me promener tranquillement avec ma copine, de baiser si j’en ai envie, de prier si j’en ai envie, de pécher si j’en ai envie et de lire des romans policiers si ça me chante». Une vie normale, quoi. Mais qui ne va pas de soi au Maroc, malgré le «printemps arabe» qu’il observe de loin. Quand ce jeune Tangérois est surpris nu en compagnie de sa cousine, il est chassé de chez lui, répudié. Et devra bien se débrouiller seul.

Avec Rue des voleurs, Mathias Enard réussit une forme de miracle: un mélange entre une trame narrative fort bien troussée, une langue acérée et un arrière-plan politique d’une vive actualité. L’auteur de Zone (2008) fait preuve d’une aisance sidérante avec ce narrateur à la fois terre à terre et rêveur, épris de liberté. Nourrie aussi bien de textes classiques arabes que de polars, l’intensité de Rue des voleurs ne fait que s’accroître dès cet incipit parfait: «Les hommes sont des chiens…» Un bel exemple de roman en prise directe avec la réalité, qui démontre une nouvelle fois que la littérature n’a pas d’équivalent pour parler du monde d’aujourd’hui.

Eric Bulliard

Mathias Enard
Rue des voleurs
Actes Sud, 256 pages
notre avis: ♥♥♥

 

 

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La vraie boucherie de Joy Sorman

Etrange idée: un roman sur un boucher, sur la passion d’un métier pas toujours bien considéré. Dans Comme une bête, Joy Sorman (révélée en 2005 par Boys, boys, boys) s’y attaque avec aplomb, en suivant ce personnage de Pim, d’abord apprenti dans son village breton, puis artisan boucher à Paris, avec toujours l’envie de devenir le meilleur. En assumant ce paradoxe: «Te manger la vache, te dévorer à la fin de l’histoire, ça n’empêche ni la beauté ni la joie ni le lien. La vache, je t’aime tant que je te mange.»

Joy Sorman s’efforce de coller à son sujet, avec une précision de vocabulaire et de style qui l’entraîne à ne rien cacher, y compris dans une éprouvante scène à l’abattoir. Elle y parvient si bien (malgré une fin onirico-fantastique moins convaincante) que l’on croit sentir et toucher les carcasses et les viandes. En posant de pertinentes questions sur notre rapport aux animaux, son roman finit par dépasser sa première apparence d’exercice de style.

par Eric Bulliard

Joy Sorman
Comme une bête
Gallimard / 176 pages
notre avis: ♥♥

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Abracadabrant Philippe Djian

Michèle se fait violer avant d’avoir une relation avec son violeur. Elle couche aussi avec le mari de sa meilleure amie. Sa mère sort avec des hommes trois fois plus jeunes qu’elle. Son fils veut absolument reconnaître l’enfant d’un autre. Son père est en prison pour un acte à la Breivik. La famille ne se porte pas très bien.

Bienvenue dans l’univers de Philippe Djian et de ses personnages au bord du gouffre. Comme souvent, son histoire est abracadabrante. On se laisse pourtant prendre, de la première à la dernière page. On dirait même un roman réaliste. Ce miracle – nous faire croire à cette histoire – est porté par une langue et un rythme très soutenus. Son passage par la série Doggy Bag – une suite de romans construits comme une série TV – lui a appris à mieux maîtriser encore l’art du découpage. Djian ne s’embarrasse pas de creux narratifs. Il va de pic en pic, à un rythme d’enfer, avec toujours la même crudité dans le langage. Philippe Djian n’édulcore rien. Et, «Oh…», ça marche.

par Charly Veuthey

Philippe Djian
«Oh…»
Gallimard / 240 pages
notre avis: ♥♥♥

 

 

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Toni Morrison, violences américaines

Frank Money rentre détruit de la Guerre de Corée. Victime d’hallucinations, il voyage à travers l’Amérique pour retrouver sa sœur, cobaye d’un médecin fou. Ce livre tout en sobriété est d’une grande beauté dans la manière dont il met en scène deux jeunes adultes noirs, pas gâtés par la vie, qui tentent de «s’imaginer un avenir» dans cette Amérique des années 1950 où «le lynchage était un pique-nique public», comme l’a souligné Toni Morrison dans une interview. à suivre…

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