Joe Bonamassa, esthète et historien de la guitare blues

Joe Bonamassa a déjà publié plus d’une quarantaine d’albums, en solo ou en groupe, en studio ou en concert. Sur British blues explosion, il rend hommage à ses maîtres, Clapton, Beck et Page.

par Christophe Dutoit

Joe Bonamassa est tombé dans la marmite du blues quand il était tout petit. A l’âge de 4 ans, il tire ses premiers accords d’une guitare dans le magasin tenu par ses parents, à 200 kilomètres au nord de New York. A 11 ans, il suit des cours avec le légendaire Danny Gatton. L’année suivante, il tourne avec son propre groupe dans les bars… et fait, durant vingt dates, la première partie de B. B. King. Qui dit de lui: «Il est jeune, il a de belles idées, il est bon. Il n’y en a qu’un de cette sorte. Cette sorte de gars qui va devenir une légende avant ses vingt-cinq ans.» Réponse de Bonamassa, quelques années plus tard: «De retour à l’école, j’ai dû raconter mes vacances. J’ai écrit un compte rendu détaillé de ma tournée avec B. B. King, mais le prof a cru que j’affabulais…»

Explosion du blues anglais
L’homme derrière Lucille n’avait pas tort. Joe Bonamassa est aujourd’hui une star. A 41 ans, il a déjà publié plus de quarante disques, en solo ou en groupe, en studio et en concert, et pas seulement de blues (lire ci-dessous). Biberonné aux disques d’Eric Clapton, de Jeff Beck et de Jimmy Page, tous trois des anciens guitaristes des Yardbirds, le désormais Californien vient de publier un double opus en hommage à cette «explosion du blues anglais» qui transforma radicalement la musique au milieu des années 1960.

«A propos de jeu réel, Clapton est de loin ma plus grande influence, juste au-dessus de Jeff Beck», avoue Bonamassa, dans la dernière newsletter publiée sur son site. «Un peu plus loin, Page serait le troisième, avec son jeu très intelligent. Il disait à ses comparses de Led Zeppelin: écrivons un morceau complètement différent autour de tel thème ou reprenons telle cadence, pour aboutir à quelque chose d’autre.»

Musée geek de Nerdville
Bonamassa n’est pas seulement un virtuose de la six-cordes, il est également un fin connaisseur de l’histoire de la musique et un collectionneur attentionné de guitares, des instruments vintage hors de prix qui occupent son musée geek à Los Angeles sous le pseudonyme de Nerdville.

L’album British blues explosion, enregistré lors d’une minitournée en Angleterre en 2016, commence par Beck’s bolero/Rice pudding et sa célèbre partie de guitare slide. «Mon introduction au blues anglais provient de Truth et Beck-Ola, deux disques enregistrés par Jeff Beck avec Rod Stewart. La première fois que j’entendais une guitare Les Paul et un ampli Marshall joués avec rage. Le jeu de Jeff a toujours sonné rageur à mes oreilles. C’est là que j’ai réalisé qu’une guitare pouvait aussi devenir une arme et que c’était plutôt fun.»

Les quatorze reprises des trois maestros s’enchaînent dans un déluge de notes distordues. A l’exemple de Double crossing time, tout droit issu du Beano album (Blues Breakers with Eric Clapton, de John Mayall, en 1966). «J’ai toujours aimé ce solo de Clapton, l’ADN de mon histoire d’amour avec la Les Paul. En l’écoutant, tu te dis juste: “Cette guitare est capable de donner ce son, il ne me reste plus qu’à le trouver et à le ciseler.”»

Parmi les morceaux de bravoure du disque, deux versions de Led Zeppelin feraient dresser les poils à un imberbe: Tea for one/I can’t quit you baby et How many more times. «On la joue tous les soirs à la fin de nos concerts. A chaque fois, on se dit que le son va casser la baraque.

Joe Bonamassa, British blues explosion, Musikvertrieb

Soul-blues-heavy-metal-jazz-funk

Les plus sexy

Avec Beth Hart. Joe Bonamassa est un guitariste caméléon capable de symbioses avec de nombreux artistes. Soufflé par la prestation de Beth Hart au Blue Balls festival de Lucerne, il la contacte dans l’esprit d’un duo à la Ike & Tina Turner. Alors qu’elle pensait ne chanter que quelques chœurs, la Californienne devient la partenaire fétiche du guitariste. Avec sa voix hantée, qui rappelle les plus belles heures de Janis Joplin, Beth Hart se retrouve dans le double rôle d’alter ego et de muse soul. En 2011, le tandem grave un premier album de reprises, Don’t explain, puis Seesaw, nommé aux Grammy Awards deux ans plus tard. Comme à son habitude et contrairement à tant d’autres guitaristes virtuoses, Joe Bonamassa ne tire pas la couverture à lui (quelle version de I’ll take care of you !) et offre plutôt sa six-cordes en contrepoint à la voix virevoltante de sa complice. Sans se lasser l’un de l’autre, les deux enregistrent cinq albums, dont un sublime live à Amsterdam (2014). Leur dernier opus, Black coffee, est paru au début 2018.

 

Les plus heavy

Avec Black Country Communion. Changement de registre en 2010 pour Bonamassa. Il s’acoquine avec le bassiste et chanteur Glenn Hughes (ancien membre de Deep Purple et de Black Sabbath), le claviériste Derek Sherinian (Dream Theater) et le batteur Jason Bonham, le fils du batteur mythique de Led Zeppelin, derrière les fûts lors du concert Celebration day en 2007. Sous le nom de Black Country Communion, les quatre larrons prennent un plaisir spontané et un peu naïf à jouer du heavy metal hors d’âge, mâtiné de passages rock progressif bien vintage. Là encore, Bonamassa met en exergue sa vélocité, sans tomber dans le cliché du guitariste shredder compulsif à la Yngwie Malmsteen. Dans un genre un brin désuet (il faut supporter la voix et la dégaine de ce sacré Glenn Hughes), le supergroupe enregistre néanmoins quatre albums jusqu’en 2017, donne parcimonieusement des concerts et, surtout, semble prendre un pied géant à faire du bruit ensemble, comme des ados boutonneux. Jouissif.


Les plus funky

Avec Rock Candy Funk Party. Prêt à tout, le guitariste intègre, dès 2012, le groupe jazz-funk Rock Candy Funk Party, basé comme lui à Los Angeles. Dans une configuration à géométrie variable, Joe Bonamassa montre peut-être ses facettes les plus subtiles, au sens purement musical. Noyé dans un collectif très compact, il met en avant ses qualités d’écoute, ne cherche jamais à combler un silence ni à marcher sur les plates-bandes de ses comparses. Après We want groove en 2013, le groupe signe Groove is king deux ans plus tard, avec la participation de Billy Gibbons, le leader de ZZ Top. Sur les seize plages de cet album nettement plus chaloupé, le band fait monter la fièvre comme aux plus belles heures de Prince & The Revolution. Jamais virtuose, mais jamais faire-valoir non plus, Bonamassa montre qu’il est à l’aise dans des registres très différents. Il lui suffit de quelques notes placées au bon moment ou d’un solo implacable, à l’image de l’incroyable Cube’s brick, pour mettre tout le monde d’accord. Un must.

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