Quentin Mouron, figure de proue de la relève romande

Quentin Mouron a cartonné avec Au point d’effusion des égouts, publié en 2011. Il confirme avec son deuxième roman, Notre-Dame-de-la-Merci. Rencontre en plein vignoble du Lavaux…

par Charly Veuthey

Nous avons rencontré Quentin Mouron à Chardonne. L’occasion était belle. Il participait, jeudi dernier, au vernissage de Millésime, le roman de Daniel Fazan, dans les caves de Jean-François Neyroud-Fonjallaz. Ça ressemblait à une fête de famille, avec la présence de la majorité des auteurs d’Olivier Morattel.

Quentin Mouron est originaire de Chardonne. Mais son parcours l’en a éloigné. Parti au Québec à l’âge de trois ans, il y a grandi, avant de revenir en Suisse à 12 ans. Après l’école, à Oron-la-Ville, et le gymnase, à Lausanne, il est reparti en Amérique du Nord, où est né son premier livre. Ce voyage, il l’a surtout fait pour prendre l’air. Mais il est toujours difficile de dire qu’on part prendre l’air. «Je lisais beaucoup, j’avais envie d’écrire. On me demandait ce que j’allais faire aux Etats-Unis. Je n’en avais aucune idée. J’ai dit que j’allais écrire un livre. Mes amis se sont enquis de l’avancement du projet. Je n’avais rien fait. Je me suis lancé.»

De retour en Suisse, après un premier contact avec un éditeur, il rencontre Pierre Yves Lador, qui lui présente Olivier Morattel. C’est parti. Au point d’effusion des égouts est paru en 2011. Ce voyage halluciné d’un jeune homme qui se confronte à la vie, à Los Angeles, à Las Vegas et dans quelques autres bourgades désertiques de Californie, met en scène une belle brochette de fêlés. Le succès est au rendez-vous. Le livre a connu trois tirages et s’est déjà écoulé à 2500 exemplaires.

Tragédie antique
Notre-Dame-de-la-Merci se passe également en Amérique du Nord, mais dans un univers très différent. Le jour du récit, une tempête s’abat sur le Canada. Elle plonge les trois protagonistes dans leur propre ouragan intérieur. Odette, la vendeuse de drogue, Jean, l’ordure, et Daniel, le déneigeur du village, sont guidés par des forces obscures, que symbolise bien la tempête. Ils sont livrés au destin: «Quand on ne peut pas, on ne peut pas», scande l’un des personnages les plus réussis du livre, la mère de Daniel, soulignant l’impuissance générale des protagonistes.

Notre-Dame-de-la-Merci est construit comme une tragédie antique. Quentin Mouron avait parfaitement conscience d’être dans ce registre: «J’en ai lu pas mal. Ce sont un peu mes séries à moi. La tragédie se prêtait bien au thème. Mais, c’est malgré moi que je suis arrivé à une telle unité de temps, de lieu et d’action. Ça s’est imposé.» L’enchaînement des forces s’arrête pourtant dans un grand silence. Le destin ne s’accomplit pas. L’auteur prive le lecteur de la catharsis. Il le laisse plongé dans le vide.

Quentin Mouron a l’art de la formule ramassée et une langue très inventive: «Depuis qu’il aime, Daniel se hait.»

Une voix bien posée
Quentin Mouron s’impose grâce à une voix singulière, qui fait l’écrivain. Il a l’art de la formule ramassée et une langue très inventive: «Depuis qu’il aime, Daniel se hait.» Dans cette capacité à trouver la formule frappante et poétique, Quentin Mouron est très proche de l’écrivain Michaël Perruchoud, chroniqueur dans les pages de La Gruyère.

Quentin Mouron joue également de la variation des points de vue, en grand technicien. Le narrateur perd de vue ses personnages, puis: «Soudain l’hiver s’entrouvre, un instant, et je les vois, mais Dieu! Qu’ils sont loin, petits, recroquevillés sous la tempête…»

Un fil rouge parcourt les deux romans de Quentin Mouron: où est la vraie vie, comment choisir son chemin hors de l’utilitarisme, des préjugés, des traditions et des habitudes. On peut formuler une réserve, intimement liée aux interrogations existentielles auxquelles il se livre: dans Notre-Dame-de-la-Merci, Quentin Mouron laisse parfois le commentaire social, la réflexion morale, le surplus d’explications prendre trop de place.

Ecrivain et…
La réussite de Quentin Mouron est aussi le fait de son éditeur Olivier Morattel. Depuis qu’il s’est lancé dans l’édition, il est partout. «Il s’engage vraiment dans toutes les étapes du livre et fait un très gros travail de communication.» Ainsi, Quentin Mouron est aussi partout. Son talent, conjugué au travail de son éditeur et à une évidente belle gueule, en a déjà fait une coqueluche médiatique. Quentin Mouron n’hésiterait pourtant pas à quitter Olivier Morattel, avec l’accord total de ce dernier, s’il pouvait entrer dans une grande maison parisienne. Mais, pour l’instant, Quentin Mouron essaie de ne pas trop se projeter dans l’avenir. «Je ne veux pas trop le voir. Mais, au moins par la force des choses, je serai l’écrivain qui fait quelque chose d’autre et pas l’enseignant écrivain.»

Quentin Mouron, Notre-Dame-de-la-Merci, Editions Olivier Morattel
notre avis: ♥♥

 

 

Posté le par admin dans Littérature Déposer votre commentaire

Ajouter un commentaire