Les Francomanias: Feu! Chatterton, un final en apothéose

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Appelons ça le charisme. Ou le magnétisme, la présence. A l’évidence, Arthur Teboul, chanteur de Feu! Chatterton, possède ce truc mystérieux, indéfinissable. Il suffit de quelques secondes, de son sourire, de sa classe naturelle et de sa voix éraillée pour vous emporter d’emblée.

«Nous sommes Feu! Chatterton, incandescents cadavres pour vous servir…» Comme salutations, voilà qui nous change des «ça va Bulle, vous êtes chauds?» Oui, Feu! Chatterton est un groupe à part, lyrique et ancré dans le réel, sophistiqué et sauvage. Samedi, en conclusion des Francomanias, il a livré un set carré, solide, d’une intensité qui compense largement ce qu’il pourrait avoir de formaté. Et qui se suffit à lui-même: pas besoin de faire chanter le public ni de lui proposer des chorégraphies. Tout passe par la musique, les mots, la force du live.

Les cinq Parisiens se révèlent d’une cohésion parfaite, alternant émotion (A l’aube ou Côte Concorde) et moments de pure énergie. A l’image de ce final délirant, où Arthur Teboul, plus habité que jamais, se déchaîne d’abord sur Boeing, puis, en rappel, sur La Malinche, devenue transe collective. Pour atterrir, il fallait bien un retour au calme sous forme de reprise de Je t’ai toujours aimée, de Polyphonic Size (tirée de l’oubli par Dominique A).

Même si Feu! Chatterton n’a sorti qu’un seul album, l’automne dernier, le groupe se révèle suffisamment à l’aise pour allier l’hyperprécision du show à la décontraction et à l’échange avec le public, par exemple à propos d’une visite, dans la journée, au Moléson. Mot magique à Bulle, qui déclenche un sonore «A Moléjon!» chez un spectateur et les rires du chanteur. Comme quoi, l’humour et le second degré affleurent derrière l’emphase de ce personnage de dandy suranné, de Barbey d’Aurevilly du rock…

Avec élégance
Et puis, il y a le verbe, le sens de la formule («Du ciel tombent des cordes / Faut-il y grimper / Ou s’y pendre?») des mots qui claquent, précieux (ces magnifiques «déchoir» et «coloquinte»…) ou quotidiens. Feu! Chatterton mélange pop, rock, électro et élégance du langage dans une perspective ultracontemporaine. Et ça fait un bien fou de sentir ce flot poétique vous laver les oreilles, où chaque mot est pesé, où le français sonne sans avoir besoin de rimes à deux balles.

Dans l’étuve de l’Hôtel de Ville, Feu! Chatterton a conclu le festival d’un concert grandiose, en équilibre entre la préciosité et la puissance. De quoi rappeler que la chanson et le rock en français peuvent retrouver du souffle, s’ils sont empoignés avec le culot de ces jeunes gens, aussi lettrés qu’énergiques.

par Eric Bulliard

 

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