Théâtre des Osses: la dernière pièce se monte comme un jeu de précision

Le Centre dramatique fribourgeois prépare sa prochaine création, Rideau! Une pièce pas comme les autres: elle marquera le départ des fondatrices du Théâtre des Osses. Visite au cours d’une répétition.

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par Eric Bulliard

On croit assister à la mise en place d’un puzzle. Ou plutôt d’une mécanique de précision, où chaque vis doit trouver sa place. Question de millimètres. Sur ce plan, Rideau! que le Théâtre des Osses jouera dès le 9 février ne diffère guère des précédentes pièces nées au Centre dramatique fribourgeois, telles Les deux timides.

Mais rien n’est tout à fait pareil: cette création, dont elle ne souhaite pour l’heure pas trop dévoiler le contenu, est la dernière que Gisèle Sallin (également auteure du texte) met en scène à Givisiez, dans ce théâtre qu’elle a fondé avec Véronique Mermoud. Fin juin, elles laisseront la place à un autre duo, Geneviève Pasquier et Nicolas Rossier.ossesf

Installé dans ces lieux en 1990 (après onze ans de nomadisme), le Théâtre des Osses a toujours été reconnu pour la rigueur et la précision de son travail. «C’est bien, mais il me semble que tu peux aller plus loin dans l’autorité de sa pensée», lâche Gisèle Sallin à la comédienne Emmanuelle Ricci. Elle reprend, réessaie, reprend à nouveau. «C’est très bien, la première réplique, mais ne lâche pas.» On reprend encore. «Là, tu es passée de l’autre côté: tu es un peu trop dure…»

Intensité et concentration pour un après-midi de répétition comme un autre. Derrière consoles et claviers, Jennifer Ancosy (son), Jérémie Montico (régie) et Jean-Jacques Schenk (lumières et effets) peaufinent leurs réglages, donnent des avis. Le scénographe Jean-Claude de Bemels est présent aussi, observe, prend quelques notes. Son décor est en place, des accessoires doivent encore s’y joindre. «C’est beau, hein?» lui murmure Gisèle Sallin.

Elle s’assure que tout le monde «a l’impression d’être au clair avec ce qu’on joue».

Avec les comédiens aussi, la metteure en scène écoute, dialogue en cheffe d’orchestre (elle en a parfois la gestuelle) à qui rien n’échappe. Elle ne cesse de se déplacer, entre la salle et la scène, s’assure que tout le monde «a l’impression d’être au clair avec ce qu’on joue».

Diphtongues et hiatus
Pour le néophyte, la répétition d’un chœur se révèle particulièrement impressionnante. «Attention aux attaques, aux consonnes, aux diphtongues, aux hiatus…» annonce Gisèle Sallin. Avec huit comédiens à l’unisson, l’exigence de précision s’accroît encore.

Assis en bord de scène, ils font sonner les mots. «Tapez bien sur “la”…», «Attention aux “i”…», «Un tout petit peu plus de frappé net sur les consonnes…» «Il y a deux “s” à “vitesse”: visualisez les mots!» Conclusion de la metteure en scène: «Je trouve que c’est assez bien… Je trouve que ça devrait être mieux. Ça manque de cisèlement. Il faut que ça soit pointu.»ossesc

«Mais il faut qu’on raconte quelque chose, remarque Véronique Mermoud, en comédienne expérimentée. Il ne faut pas seulement que ce soit ciselé.» Question d’équilibre, afin que le spectateur comprenne à la fois les mots et leur sens. La diction et l’intention. «Ça se ramollit, on perd cette urgence, cette nécessité de raconter», remarque Gisèle Sallin. Et ailleurs: «C’est sensible, c’est touchant, mais il faut aussi que ce soit clair, parce que dans son esprit, c’est archiclair.»

Autre scène, autre ambiance. «On a des problèmes de volume, je trouve», indique le comédien Yves Adam. «Il faudrait qu’on soit tous à la même force», reconnaît Véronique Mermoud. Un des multiples réglages à effectuer, en tenant compte de la musique. La scène est reprise, puis à nouveau, et encore une fois. «J’ai l’impression que ça pourrait être projeté un peu plus», estime Gisèle Sallin. «Mais tu veux une projection froide ou qu’on interprète?»

Des choses à dire
Répéter, cela signifie ainsi ne rien lâcher, continuer à chercher, avancer non pas à tâtons, mais à pas feutrés. En artisans patients et modestes. Passer le temps qu’il faut sur une simple phrase comme «je peux pas y croire». Plus que les déplacements et les grandes options, à moins d’un mois de la première, l’heure est à la justesse et à la finesse: «C’est clair, c’est bien, c’est juste, mais tu peux le porter un peu plus.»

Gisèle Sallin et Véronique Mermoud ont des choses à dire. Pour les transmettre, elles n’ont pas souhaité de longues théories, mais le biais du théâtre, cet art qu’elles servent depuis trente-cinq ans.

Une répétition comme les autres? Pas tout à fait. Parce que Rideau! ne sera pas une pièce comme les autres. Elle va tourner une page, clore un chapitre. Dans ce contexte, Gisèle Sallin (et Véronique Mermoud, créditée comme «conseillère artistique») a des choses à dire. Pour les transmettre, elle n’a pas souhaité de longues théories, mais le biais du théâtre, cet art qu’elle sert depuis trente-cinq ans. Cet art millénaire auquel les Osses vont rendre hommage par cette balade à travers les époques, les genres, les auteurs… Cet art si mystérieux qui n’a pas d’égal pour faire voir le monde, dès que la salle est plongée dans le noir et que s’ouvre le rideau.

Givisiez, Théâtre des Osses, Rideau! dès le 9 février, www.theatreosses.ch

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