A.J. Finn: fenêtre sur rue et thriller sur mesure

Avec son premier roman, A. J. Finn a réussi un coup de maître: traduit en près de quarante langues, 
La femme à la fenêtre est déjà en voie d’adaptation pour le cinéma. Il faut dire que ce New-Yorkais 
de 38 ans joue brillamment avec les ficelles du genre.

Par Eric Bulliard

Il y a à la fois un air de déjà-vu et une efficacité surprenante. Un phénomène éditorial et un thriller rondement mené. Premier roman d’A. J. Finn, La femme à la fenêtre sort en français précédé d’une flatteuse réputation: le livre s’est retrouvé en tête des ventes aux Etats-Unis dès sa parution, en début d’année. Le voici déjà vendu dans une quarantaine de pays et en cours d’adaptation pour le cinéma.

En quatrième de couverture, A. J. Finn se voit en outre adoubé par des écrivains comme Gillian Flynn ou Ruth Ware et même par le maître Stephen King. Un battage qui peut rendre méfiant mais qui intrigue. On y plonge donc avec un mélange d’impatience et de circonspection pour très vite reconnaître l’habileté de cet écrivain inconnu: son roman applique brillamment les recettes du genre – à défaut de 
le révolutionner – avec ses fausses pistes et ses rebondissements, ses personnages dont on découvre peu à peu le douloureux passé.

A première vue, La femme à la fenêtre rappelle un autre roman à succès récent: comme dans La fille du train de Paula Hawkins, l’héroïne est alcoolique, dépressive et croit assister à une sombre affaire. Mais A.J. Finn insiste surtout sur l’enfermement de sa narratrice et renvoie d’abord à Hitchcock, que cette jeune femme adore. Avec Fenêtre sur cour pour référence évidente: l’auteur reconnaît volontiers que c’est en revoyant le film qu’il a eu l’idée de son roman, devenu une sorte de variation sur ce même thème.

Anna, comme le photographe interprété par James Stewart, ne peut sortir de chez elle. En état de stress post-traumatique (la raison en sera dévoilée peu à peu), elle souffre d’agoraphobie et passe son temps à observer ses voisins. Entre deux bouteilles de merlot, deux doses de médicaments, deux vieux films policiers et deux parties d’échecs sur internet.

Entre les brumes de l’alcool, les hallucinations de sa maladie, les surdoses d’antidépresseurs et de bêta-bloquants, aurait-elle tout imaginé?

Dans les brumes
Quand une nouvelle famille s’installe dans la maison d’en face, la recluse est ravie que Jane, la mère, vienne faire connaissance. Sauf qu’elle va rapidement disparaître et que personne ne croit Anna quand elle affirme l’avoir vue se faire poignarder. Entre les brumes de l’alcool, les hallucinations de sa maladie, les surdoses d’antidépresseurs et de bêta-bloquants, aurait-elle tout imaginé?

A. J. Finn réussit un tour de force en développant son récit dans un double enfermement. D’une part, la (vaste) maison de la narratrice, qui vit séparée de son mari et de sa fille, avec simplement un locataire au sous-sol. D’autre part, son esprit malade, d’autant plus perturbant qu’elle est pédopsychiatre et connaît donc les troubles dont elle souffre.

La femme à la fenêtre possède cette qualité des bons thrillers: il ne se lâche pas fa-cilement. Pas question ici de style flamboyant ni de lan-
gue particulièrement travaillée, mais bien de construction, de coups de théâtre, d’intensité, de psychologie. Avec des passages obligés qui ont tout du cliché (le dénouement sous l’orage, par exemple), nombre de références cinématographiques et des thèmes comme la folie, la survie après un drame, la réalité cachée sous les apparences.

L’éditeur devenu auteur
Cette réussite immédiate, A. J. Finn, la vit comme un rêve. New-Yorkais de 38 ans, ce lecteur d’Agatha Christie, de P. D. James et de Patricia Highsmith a écrit pour de prestigieux titres comme le Los Angeles Times, le Washington Post ou le supplément littéraire du Times, avant de travailler dans une maison d’édition
De son vrai nom Daniel Mallory, le jeune homme est même devenu vice-président des Editions William Morrow.

Il a démissionné, depuis, mais l’histoire raconte que, alors qu’il était en vacances, ses collaborateurs ont accepté son manuscrit sous pseudonyme, sans savoir qu’il en était l’auteur. Depuis, la Fox a chargé un prix Pulitzer (Tracy Letts) de l’adaptation en scénario. On n’a pas fini de s’attacher à cette troublante Anna, embrumée derrière sa fenêtre.

A. J. Finn, La femme à la fenêtre, 
Presses de la Cité, 528 pages

Posté le par Eric dans Littérature, Livres Déposer votre commentaire

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