Delphine de Vigan: un couteau dans le vif des plaies

Autant le dire tout de suite: c’est un livre dont on ne sort pas indemne. Une histoire banale, a priori: deux familles, l’une dont les parents sont divorcés et l’autre pas. Deux garçons, copains d’école, et une enseignante de biologie. Très vite, les souffrances vont surgir, chacun protégeant l’autre tout en s’enfonçant cruellement dans sa propre pathologie. «Des deux côtés de la frontière, le silence s’est imposé comme la meilleure posture, la moins 
périlleuse», dit Théo de sa garde alternée (Papa/Maman).

Pourtant la gangrène est tapie, telle un volcan au repos. Tous sentent sourdre l’éruption. La dérive séduit par son irrémédiable présence. Chacun se suicide lentement, attiré par des forces destructrices. Tout est trop lourd, ça déchiquette, et à quoi bon «devenir adulte», pense Théo, tellement vieux déjà. Comment expliquer à sa mère que «la salope était gentille»? La force du contenu de ce livre ne serait rien sans l’incomparable écriture de Delphine de Vigan. Efficace, un couteau à cran d’arrêt bien acéré: elle tranche dans le vif, le pus gicle des plaies. Pas de concessions, que des coups de burin bien placés, une vraie sculpture ciselée dans et par les mots.

Par Vérène Gremaud

Delphine de Vigan, Les loyautés, JC Lattès, 208 pages

Posté le par Eric dans Littérature, Livres Déposer votre commentaire

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