Thomas Wiesel: «Un peu pince-sans-rire, un peu noir, un peu trash»

A 26 ans, Thomas Wiesel fait partie de ces jeunes pousses les plus intéressantes de l’humour francophone. Interview à l’heure de sa venue samedi à Ebullition.

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par Christophe Dutoit

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Thomas Wiesel, comment êtes-vous arrivé à l’humour…
Un peu par hasard. J’ai fait de l’impro et du théâtre amateur quand j’étais jeune. C’était un fantasme de monter un spectacle tout seul. Je pensais le faire pour mes proches et me planter. J’étais sûr que ça n’intéresserait personne. Ainsi, j’aurais pu biffer ça de la liste des choses à faire dans ma vie… Mais je l’ai fait et j’ai eu assez rapidement du plaisir. J’ai tenté un peu plus loin, ça a pris, j’ai fait des rencontres. Quatre ans plus tard, j’y suis toujours.

Quelle progression mesurez-vous depuis ces quatre ans?
Je renie pas mal de choses dans des trucs plus vieux que quelques mois… Je trouve horrible certaines blagues de mes débuts. Ce métier s’apprend sur le terrain et on progresse en jouant. J’ai commencé avec des premières parties de cinq à dix minutes pour des sandwiches. Petit à petit, on venait me chercher pour ces cinq à dix minutes. Après on me payait pour ces cinq à dix minutes… Puis, il y a eu la radio, la télévision un petit peu et Paris. Les gens sont de plus en plus intéressés. Je joue depuis un moment dans des galas ou des soirées privées. Mais le grand public ne me connaît pas forcément et je ne remplis pas toujours mes salles avec mon nom sur l’affiche. Quand elles se remplissent, c’est agréable, parce que je n’ai pas besoin de convaincre ce public, il est déjà un peu acquis à la chose.

J’ai un humour assez noir, un regard assez cynique, qui est – j’ai l’impression – assez répandu dans ma génération.

Dans vos spectacles, quelle est la part d’écriture et la part d’improvisation?
J’ai sans doute un bon sens de la repartie, mais je ne suis pas du tout improvisateur. De temps en temps, il se passe un truc avec le public et je rebondis dessus. J’ai réalisé assez rapidement que j’étais beaucoup plus drôle quand j’avais deux heures pour réfléchir à quelque chose. Mon spectacle est écrit. Mais ça ne veut pas dire qu’il est immuable. Je n’ai pas encore travaillé pour Bulle, mais j’aime bien m’imprégner de l’endroit, connaître l’actualité de la localité. Je lirai La Gruyère. Pour faire des blagues sur la région.

Quelle est la force de votre humour?
Peut-être le côté authentique, le fait qu’il n’y ait pas de jeu à proprement parler. Cette proximité marche assez bien quand je parle de trucs personnels. Il n’y a pas d’artifice. En général, le public embarque avec moi. Après, j’ai un humour assez noir, un regard assez cynique, qui est – j’ai l’impression – assez répandu dans ma génération. Un peu pince-sans-rire, un peu noir, un peu trash: c’est comme ça que je me définirais.

L’humour noir permet de se distancier de l’actualité, qui a été, elle aussi, plutôt noire en 2015…
On a vécu une année assez sombre sur notre petit lopin de terre occidental. Je ne crois pas que les autres années aient été particulièrement plus heureuses pour l’humanité. Il y a toujours des tragédies ailleurs, même si certaines nous touchent d’un peu plus près. Je suis un peu cynique: j’ai souvent l’impression qu’il y a davantage de mauvaises nouvelles que de bonnes. Quand on bosse à la radio, on est tous les jours confrontés à cette actualité horrible. L’humour est un bouclier qui me permet d’assimiler tous ces événements et de réagir à ma façon. Mais je sais que ça ne plaît pas à tout le monde, parfois aux générations plus âgées. Je peux le comprendre. C’est pour ça que c’est agréable de trouver mon public. Je peux aller plus loin et moins édulcorer mon propos.

Les gens attendent de la réactivité, ils veulent du nouveau. En fait, c’est assez ingrat par rapport aux chanteurs, par exemple, car le public veut constamment des choses qu’ils n’ont pas entendues.

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Quel est votre rythme d’écriture?
L’objectif serait d’écrire tous les jours. Mais je ne suis pas la personne la plus disciplinée, malheureusement. En 2016, je vais faire trois émissions radio en Suisse, plus deux en France où je suis auteur. Je dois pondre des choses pour ces échéances régulières. Du coup, j’y consacre une ou deux journées selon la longueur des papiers. Pour la scène, ça évolue plus lentement. Parfois, je joue durant quelques semaines un truc écrit pour la radio. D’autres textes m’accompagnent depuis quelques mois. J’ai un roulement assez important, je ne joue pas la même chose d’une année à l’autre. Parce que je me lasse, que l’actualité change et mon regard avec. J’essaie d’écrire le plus possible. C’est le vrai défi des humoristes aujourd’hui. On ne peut plus, comme à l’époque, jouer le même spectacle pendant dix ans. Les réseaux sociaux et les vidéos sur internet font que les gens ont accès rapidement à nous. Ils attendent de la réactivité, ils veulent du nouveau. En fait, c’est assez ingrat par rapport aux chanteurs, par exemple, car le public veut constamment des choses qu’ils n’ont pas entendues. Quand on joue un spectacle avec trois quarts de nouveautés et que quelqu’un se plaint qu’il a déjà entendu un sketch, c’est dur de garder son calme.

Votre écriture est-elle différente pour la radio et pour la scène?
C’est beaucoup plus agréable sur scène, car les rires rythment le propos et rendent la chose plus enlevée. Je pense que mon écriture est sensiblement la même, car je ne sais pas tellement faire autre chose. Sur scène, je dois faire attention à ce que tout le monde comprenne de quoi je parle et, du coup, redonner le contexte. A la radio, quand l’actualité est chaude, on peut se permettre d’entrer directement dans le vif du sujet.

Qu’est-ce que ça vous fait de jouer à Ebullition?
Je suis Lausannois, j’avoue que je sors très peu sur Bulle et que je ne connais pas Ebullition… C’est intéressant. L’humour marche très bien en Suisse romande. Mais c’est la génération d’avant qui tourne beaucoup. La mienne est plus influencée par le stand-up et pas les artistes anglo-saxons. Or les gens ont surtout accès à cet humour sur internet. De voir que des spectateurs se déplacent pour ce genre de prestation en dehors des trois grandes villes romandes est très bien. Je suis au début de ma carrière. Je n’ai pas beaucoup de notoriété. J’espère que les gens seront suffisamment curieux. Ils ne le regretteront pas.

Bulle, Ebullition, samedi 9 janvier, dès 20 h 30, www.ebull.ch

 

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