Les Osses dans l’ère du théâtre high-tech

Un public bigarré a assisté, vendredi soir, à la première de L’illusion comique, dans une mise en scène très technologique de Geneviève Pasquier et Nicolas Rossier.illusioncomiquec

par Christophe Dutoit

L’émotion n’était pas à son paroxysme, comme à la première de Rideau!, l’adieu au théâtre donné l’hiver dernier par Gisèle Sallin et Véronique Mermoud. Mais, comme le dit la sentence: les cimetières sont pleins de gens irremplaçables… Le Théâtre de Osses n’a aujourd’hui pas d’autre choix que de survivre au départ de ses créatrices. Le roi est mort, vive le roi.

Vendredi soir, la tension était cependant palpable dans la salle bondée de Givisiez. D’un côté, les habitués attendaient non sans appréhension la première mise en scène des nouveaux maîtres de céans, Geneviève Pasquier et Nicolas Rossier (lire la présentation). Avec peut-être la crainte de ne plus vivre en ces lieux des œuvres stratosphériques… Beaucoup sortiront rassurés de la salle.

Avec leur mise en scène high-tech, ils donnent à la fois une lecture très actuelle de ce texte classique et ils livrent un manifeste éclatant de leur vision et de leur amour du théâtre.

A la pointe
De l’autre côté, un nouveau public, plus jeune, plus lémanique peut-être, est venu assister à un festin de haute technologie, à la pointe de ce qui se fait aujourd’hui dans le théâtre contemporain. En montant L’illusion comique de Pierre Corneille (la pièce est datée de 1636), le duo a touché parfaitement juste. Avec leur mise en scène high-tech, ils donnent à la fois une lecture très actuelle de ce texte classique et ils livrent un manifeste éclatant de leur vision et de leur amour du théâtre, que résume le mage Alcandre en ces termes:

Cessez de vous en plaindre. A présent le théâtre
Est en un point si haut que chacun l’idolâtre
Et ce que votre temps voyait avec mépris
Est aujourd’hui l’amour de tous les bons esprits.

Tout commence dans la salle, avec ces acteurs qui émergent du public et affrontent une tempête projetée sur le rideau de scène. Le ton est donné. Il sera voué aux écrans. Derrière les images, les frères Guillaume transposent leur monde onirique sur les plan-ches. Chez eux, des draps deviennent montagnes enneigées, qui deviennent fantômes, qui deviennent hommes. Tout l’art de l’illusion. Puis le rideau tombe, sur un plateau fait de panneaux pivotants. Quatre devant, trois derrière. Ils seront prétexte à tous les jeux, à tous les décors, à une porte qui claque, à une fenêtre semi-transparente, à une prison…

Effets au service de l’action
Pieds nus sur un sol en tapis de gymnastique et sapés de chemises très seyantes, les acteurs démêlent les fils de l’intrigue sur une musique électronique et sous le regard d’Alcandre et de Pridamant, ces deux papys comme évadés du Muppet Show qui observent les scènes sans se faire voir.illusioncomiqueb

Aux premières loges, ils assistent à un déferlement d’effets visuels, qui puisent leurs sources aussi bien dans le manga, les jeux vidéo, le cinéma burlesque ou le mythe de la caverne de Platon (le monde des illusions). Comme dans un palais des glaces ultramoderne, les miroirs – parfois sans tain – sont au service de l’action, comme dans la scène où la servante Lise apparaît de manière terrifiante comme un «double» d’Isabelle. Face à telle effervescence, les alexandrins de Corneille paraissent parfois surannés, comme piégés dans un paradoxe spatiotemporel…

Malgré plusieurs imprécisions et quelques défauts de prononciation (sujet sur lequel Gisèle Sallin était ô combien intransigeante), les sept acteurs tirent leur épingle du jeu, avec des mentions spéciales à Jean-Paul Favre, qui campe un Matamore jouissif dans un registre à la Louis de Funès, et à la Gruérienne Céline Cesa, très ambiguë dans le rôle de la servante amoureuse.

A juger le torrent d’applaudissements, Geneviève Pasquier et Nicolas Rossier ont été adoubés par le public des Osses.

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