Francomanias: sur les pas de Mik, dans l’univers à part des coulisses

Pour que le festival tourne, tout un monde s’agite dans l’ombre. Reportage avec Mik Clavet, stage manager, chef d’une équipe aussi indispensable que discrète, qui décharge des camions, installe du matériel, décharge des camions…

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Par Eric Bulliard
Gueule de rocker, poignée de main de boxeur, accent de Robert Charlebois: Mik Clavet, stage manager. Ou «stage man», ou «régisseur de plateau, mais ça fait un peu trop théâtre», sourit-il. En gros, il est le boss de tout ce qui se déroule derrière la grande scène. Chef d’une équipe de l’ombre, aussi discrète qu’indispensable à la bonne marche des Francomanias.

Il a fixé le rendez-vous à l’heure de la pause: vers 17 h 30, le dernier soundcheck est terminé et le premier concert, sur la petite scène, ne débute que dans une heure et demie. Mik et son équipe ont sorti tables et chaises au soleil. Il chausse ses lunettes noires. Ambiance saucisson-fromage. «C’est le moment clé de la journée», souligne Mik. Celui qui soude une équipe sur le pont de 10 h à 2 h.francomikb

Entre plaisanteries et discussions sur la meilleure fromagerie du coin, on se rend compte qu’il règne ici une atmosphère particulière. Rigolade et vannes à tout va. Aux six membres de l’équipe de Mik s’ajoutent ceux de la petite scène, ainsi que les techniciens du son et de la lumière, placés sous la responsabilité de Dan Hauri. Au total, le staff technique comprend une vingtaine de personnes.

«Nous avons notre coin à nous, dans tous les festivals, relève Mik, et il y a toujours une ambiance cool. Les techniciens des groupes viennent volontiers. Les artistes aussi, parce qu’ils trouvent souvent plus sympa que de rester dans leur loge.» Au même moment, passe Gaëtan Roussel, tête d’affiche de la soirée, qui accepte volontiers la bière qu’on lui tend.

Il faut pas mal de diplomatie, par exemple dans la gestion de l’espace. Ici, ça se passe bien, mais dans certains festivals, t’as trois groupes dans la soirée qui croient que c’est leur scène…

Diplomatie et expérience
Pas de méprise: quand il faut bosser, ils bossent. Au matin, la journée débute avec l’arrivée du premier groupe, la tête d’affiche de la soirée. Déchargement du camion, mise en place sur scène, balance des instruments et des voix. «Tu installes tout… et tu redémontes tout», résume Mik Clavet. Histoire de laisser place au suivant. Des scotches de couleur sur le plateau indiquent où sera installé le matériel de chacun, parqué en arrière-scène. Seuls les instruments pour le premier concert restent en place.

Dans cette organisation bien huilée, Mik apparaît comme le coordinateur et le répondant. «Il faut pas mal de diplomatie, par exemple dans la gestion de l’espace. Ici, ça se passe bien, mais dans certains festivals, t’as trois groupes dans la soirée qui croient que c’est leur scène…» L’expérience aide aussi: «Il y a beaucoup de groupes en France, mais pas autant de tour managers. On revoit toujours les mêmes.»francomikc

Instant crucial
Aux Francomanias, les productions restent raisonnables: les artistes n’arrivent pas avec trois, quatre voire cinq semi-remorques comme à Paléo… Et l’accueil à Espace Gruyère est idéal: «Quand il y avait le salon du meuble en même temps, c’était le bordel, lâche Mik Clavet. Maintenant, les camions peuvent entrer dans les locaux et c’est du luxe!»

Des alarmes sur les portables: l’heure du premier concert approche. Juste le temps de mettre au point une surprise: à la régie, Caro a son anniversaire. Mik et son équipe lui apportent gâteau et bougies.

A trottinette («mon véhicule de fonction…»), Mik parcourt les allées, s’assure que tout est prêt pour le coup d’envoi sur la grande scène. Florent Marchet cherche les toilettes. Mik se marre: «Je fais aussi dame pipi!» Au restaurant, il confirme à l’équipe du chanteur l’heure du début de concert. «L’entrée en scène est un instant crucial, souffle-t-il. Tu peux être sûr qu’au moment de lancer le truc, il y a quelqu’un qui manque…»

Question de timing
De retour à la salle, le manager de Florent Marchet s’inquiète: il y a peu de monde… «Je vais laisser cinq minutes après la fin du concert de la petite scène et les gens vont venir au fur et à mesure», rassure Mik.

«Les gars, c’est fini», lâche-t-il depuis la coulisse. «J’ai cru qu’ils n’arrêtaient plus…»

«T’en es où avec ton timing», demande-t-il par radio à Baptiste Quillet, stage manager de la scène du BarJack. Tout est affaire de planning et de précision. Le concert d’à côté se termine. «Tu peux shooter un peu de musique dans la salle.» Laurent Buchs est prêt pour l’annonce sur scène. Le concert peut débuter. Mik s’assure que tout roule. La prochaine alerte sur son portable sonnera quinze minutes avant la fin du set.

Un petit tour de vingt ans
20 h 55: le staff se rassemble derrière les rideaux. Florent Marchet termine, salue, sort en sueur. «Rideau, lumières!» En quelques secondes, c’est l’effervescence. Des câbles à enrouler, des instruments à ranger, d’autres à installer. Mik dirige la manœuvre, clair, précis, l’œil à tout. Un mot, un geste, rien d’inutile. Les musiciens de La Femme sont là, en marcel (leur costume de scène), installent leur matériel. Plus tard, ils provoqueront un coup de stress à Mik, en débordant du temps prévu: «Les gars, c’est fini», lâche-t-il depuis la coulisse. «J’ai cru qu’ils n’arrêtaient plus…»

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A chaque changement de plateau, ce mélange de rigueur et de décontraction. D’activité frénétique sans précipitation. «J’essaie de guider plutôt que de donner des ordres.» L’expérience, là encore: présent pour la quatrième fois aux Francos, Mik travaille aussi depuis quinze ans à Caribana et depuis vingt ans à Paléo. C’est d’ailleurs par le grand festival nyonnais qu’il est arrivé en Suisse. Après avoir rencontré Daniel Rossellat au Québec, il décide de passer «quelques mois en Europe. Quand on me demande pourquoi je suis parti, je réponds que je ne suis pas parti, je fais un tour. Qui dure depuis vingt ans.»

De l’autre côté du rideau
A Paléo, il a commencé par s’occuper des infrastructures, installer des planchers. Aujourd’hui, tous les festivaliers connaissent sa longue chevelure: outre ses activités de régisseur, c’est lui qui monte sur la grande scène pour annoncer les groupes. «Quand tu vois ces 40000 personnes devant toi, t’as l’impression d’être au bord d’un précipice…»

A côté des festivals, Mik travaille dans la menuiserie, la construction de décors pour des événements ou des spots de pub. Jamais très loin du monde du spectacle et de la musique. Qu’il fréquente aussi de l’autre côté du rideau noir. «J’ai fait partie de plusieurs groupes, on a commencé par des reprises d’Ozzy Osbourne et d’Iron Maiden. On y croyait… et j’y crois encore! J’ai toujours rêvé d’être sur la grande scène… mais dans un autre rôle.» En attendant, il s’active dans le noir, avec la satisfaction de ceux qui savent que leur boulot est réussi si le public ne le remarque pas.

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Posté le par Eric dans Critiques 2014, Francomanias, Présentation 2014 Déposer votre commentaire

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