Les clopes à pépé (4)

tubeokIl m’arrive de me réveiller la nuit après avoir parlé à mon grand-père. Et j’ai du mal à bien revoir son visage. Il faut dire qu’il a disparu depuis bientôt vingt-cinq ans… Sa voix, par contre, le son de son rire sont parfaitement présents. Et je sais que la tonalité que j’entends dans mon rêve restitue précisément la voix de mon grand-père.

Il m’arrive de fermer les yeux et de penser à la voix de mes amis. Et parfois j’arrive à la faire renaître comme ça, sans effort, j’ai l’impression de l’entendre physiquement, que ceux qui me sont proches sont là, entre ma cervelle et mes trompes d’Eustache, à me glisser leurs mots doux et précieux au coin de l’âme… Je ressens alors un bonheur presque indépassable.

Il n’avait pas une voix de chanteur d’opéra, mon grand-père, éraillée par le tabac d’antan et un putain d’asthme qui a fini par avoir raison de lui, mais je n’ose l’imaginer compressée, bidouillée, arrangée, pour ne pas hérisser l’auditeur… C’est pourtant cela la production musicale, des cours pour apprendre à chanter bien comme il faut, et puis des filtres (pas ceux des cigarettes à pépé) pour limer les dernières scories. On gomme la différence, il y a les justes looks, les justes façons de chanter; et les voix sans épices se perdent dans le brouhaha du monde.

Dites, sincèrement, est-ce que ça vaudrait la peine d’écouter Renaud s’il chantait bien dans le rythme? Allez, prenez un tube lyophilisé, James Blunt ou Britney Truc, et ensuite écoutez Philippe Léotard, Graine d’a nanar par exemple, et maintenant, dites-moi, sincèrement, qui vous touche vraiment, quel est donc ce semblable, ce frère, cette voix amie qui vous donne envie de pleurer et de serrer les passants dans vos bras?

par Michaël Perruchoud

Pour ces Francomanias, La Gruyère a proposé une carte blanche à Michaël Perruchoud, écrivain, éditeur et chanteur, cofondateur du site www.cousumouche.com

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