Selon mon sonotone (6): Saule et Bob Dylan

Avec ma pote Monika, on avait pris la route depuis Genève, histoire de s’enfoncer en Afrique par voie de terre, à coups de cars improbables et de taxis collectifs bondés, dans l’inavouable objectif de partager une bonne table au Ghana en compagnie d’un ami jurassien en mal d’hydratation.

Deux mois de route, ça vous tanne le cuir. Et lorsque l’inconfort est un choix, presque un plaisir parfois, c’est par les oreilles que vient le soulagement. Indispensable d’avoir dans les écouteurs des musiques qui soulignent le paysage, qui apaisent les coups de blues et donnent des ailes au bitume.sonotone

C’est ainsi que Monika, lors d’un échange rituel de ces appareils qui se nommaient encore «lecteurs mp3» – avant que les i-Machins ne boutent définitivement hors des dictionnaires les antiques walkmen, on disait baladeur quand on était puriste et ça aurait été plus joli avec deux L – je suis tombé sur ce chanteur belge et ses acolytes d’une douceur et d’une élégance revigorantes.

Saule, donc Messieurs, Mesdames. J’ai écouté et réécouté des heures durant cette belle poignée de chansons où l’on parlait de la loi de Murphy et du syndrome de Peter Pan, avec des arrangements fins et fragiles, et des chœurs qui restent scotchés dans le crâne.

J’ai passé avec Saule une belle nuit d’insomnie, puis je n’ai plus pensé à ce Belge talentueux, comme on oublie un amour d’un soir, trop tendre pour mériter le triste qualificatif de «coup», mais pas assez bouleversant pour vous retenir au matin.

C’était en octobre 2007, du côté de Tan-Tan, au fin fond du Maroc, avant de glisser vers le Sahara Occidental. J’ai passé avec Saule une belle nuit d’insomnie, puis je n’ai plus pensé à ce Belge talentueux, comme on oublie un amour d’un soir, trop tendre pour mériter le triste qualificatif de «coup», mais pas assez bouleversant pour vous retenir au matin.

Laayoune: j’avais retrouvé ma musique et opté pour les incontournables, Blood on the tracks de Bob Dylan et The good son de Nick Cave, la gueule pleine de poussière et le piano scintillant. Il me fallait ça, de la poésie rude et des voix éraillées, pour affronter le désert à venir. Saule n’était plus qu’une impression lointaine, une sonorité agréable, un brin sucrée, qui continuerait à vivre à mon insu dans un monde parallèle.

Bizarre de le savoir sur scène à Bulle, cinq ans plus tard. J’avoue ne pas l’avoir imaginé devant un public, sortant de cette légèreté, de cette grâce un peu flegmatique qui convenait si bien à un album studio. Il est bien temps de mettre des images, de la sueur, du live, sur la voix d’une lointaine nuit africaine.

Les routes les plus plaisantes ne sont jamais très droites et les belles chansons donnent du plaisir sans se soucier du temps qui passe.

par Michaël Perruchoud

 

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