Selon mon sonotone (3): Bénabar et Christian Clavier

Je me rappelle Christian Clavier dans les Bronzés, déclamant du Saint-John Perse dans un slip trop court, hilarant dans son rôle de beauf prétentieux. Et puis, je l’ai revu à la télévision, théoricien du vaudeville et du rire gras, expliquant la supériorité du cinéma populaire avec un art consommé du ridicule. Ça aurait pu être drôle, mais ce n’était malheureusement pas un rôle. Clavier était devenu ce mec en slip trop court, avec l’aigreur de l’âge en prime.

J’ai aimé Bénabar pour ses concerts bondissants, la fraîcheur de ses thèmes, la belle vigueur de son blues du trentenaire. Ses déjeuners du dimanche à l’italienne, ses voisins qui n’aiment pas qu’on joue à la pétanque la nuit, m’ont ému et fait éclater de rire au plein cœur d’un concert. Mais voilà, pour des raisons que je ne cherche pas vraiment à comprendre, Bénabar s’est transformé en militant de la variété populaire.

Que le rock et une certaine chanson d’initiés pêchent par leur élitisme et leur mépris du reste du monde musical, c’est une évidence. Mais Bénabar, qui sait trousser des textes épatants, n’avait pas forcément intérêt à défendre une bouillasse dont la précision syntaxique est sans rapport avec les chiffres de vente.sonotone

 

On chantera Le lundi au soleil et Le téléphone pleure dans les discos et les mariages quel que soit son avis sur la question, et j’ai le droit de trouver ça merdique sans que les héritiers de Cloclo sombrent dans la misère. J’aime la chanson sans a priori, sans intégrisme, et le mépris du public suinte aussi dans des mélodies mal torchées, que l’on dit populaires, pour en masquer l’indigence.

Bénabar est capable de tout, l’espace de deux heures, même de transcender ses moins bons textes et ses arrangements les plus pourris, même de me faire aimer Michel Fugain (non, là, je déconne).

C’est pourquoi ce côté «croisé de l’époque des Carpentier» frôle le rance et brille par son inutilité. Mais lorsque l’on a choisi sa case, son credo, on écrit malheureusement de moins bonnes chansons. Avec L’effet papillon, Bénabar a rejoint cette variété en manque de substance qu’il aimerait tant nous voir aimer. Et pourtant, cet homme a écrit des petits chefs-d’œuvre de nostalgie, de colère contenue. Au lieu de nous pondre des sous-Y’a une fille qu’habite chez moi à la pelle, Bénabar devrait se souvenir qu’il est imparable lorsqu’il est triste. Un jour, il composa Je suis de celles, merveilleuse perle qui devrait se trouver dans toutes les anthologies de la chanson française. Et rien que pour cela, on lui pardonnera bien des Effets papillon.

Ajoutons que l’homme est une bête de scène. Capable de tout, l’espace de deux heures, même de transcender ses moins bons textes et ses arrangements les plus pourris, même de me faire aimer Michel Fugain (non, là, je déconne). Bénabar, ça se critique, ça se conteste, mais ça ne se rate pas!

par Michaël Perruchoud

 

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