Selon mon sonotone (2): Zedrus, le goujat moraliste

Bon, zoom sur le phénomène: Zedrus est connu pour sa gouaille, ses réparties acides et ses mots crus, qu’il balance l’air de rien, avec la nonchalance d’un vieux punk, sans crête ni chien, mais qui adore prendre ses contemporains à revers.

Comme on ne sait par quel bout aborder ce vrai-faux méchant, on lui attribue des pères adoptifs. Les journalistes n’ont pas fait dans la dentelle: pour la guitare, le goût de la rime canaille, on a évoqué le vieux père Brassens, pour le côté cul, c’est Gainsbourg qu’on a convoqué et, puisque suissitude il y a, l’influence de Sarclo, version mauvais coucheur, a été mise sur la table.

Si Zedrus s’amuse à faire frissonner les âmes prudes, il est avant tout un moraliste, un homme qui joue à tordre son message pour le faire passer en douce, mais avec une touchante obstination

Faux, faux, c’est dans les bouquins de Vialatte ou de La Rochefoucauld que l’on trouverait la plus pertinente parenté. Car si Zedrus s’amuse à faire frissonner les âmes prudes, il est avant tout un moraliste, un homme qui joue à tordre son message pour le faire passer en douce, mais avec une touchante obstination: «La vie est un dessin abîmé», clame-t-il dans Petit mortel, nostalgique avant tout, avec des envies folles de sauver le monde et de protéger l’orphelin (après avoir culbuté la veuve bien entendu).

Les jeux de mots tordus de Zedrus, ses envolées canailles, n’empêchent pas l’accumulation de happy ends… Les putes égarées, les rêveurs et les jeunes filles perdues sont caressés dans le sens du poil (c’est dire) par cet ogre gentil, qui pond des fables là où certains voudraient voir des brûlots.

Zedrus, c’est donc un gentleman un peu turgescent, un type qui rêve d’une planète meilleure avec des jurons pleins la bouche. Bref, un chanteur qui ne s’est pas mouché dans ses textes et qui mérite d’être découvert.

Ceci pour dire que ce mauvais coucheur sera mercredi sur la petite scène, sur le coup de 17 h 15, et qu’il serait triste qu’il rumine son amour vache de l’humanité devant une trentaine de pinpins arrivés tôt par inadvertance.sonotone

Plus largement, les découvertes, c’est l’une des raisons d’être d’un festival comme les Francos; c’est là d’ailleurs que les programmateurs peuvent mettre leur patte, peaufiner l’alchimie d’une soirée: arriver pour le lever de rideau, c’est aussi rendre hommage à leur travail. Alors, soyez polis, venez humer les airs nouveaux.

Et puis, d’ailleurs, si vous n’aimez pas, vous aurez d’autant plus de temps pour écumer des bars qui ne demandent que ça.

par Michaël Perruchoud

 

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