Selon mon sonotone (1): archéologique, la chanson?

Il y a de quoi s’extasier, vraiment, à la lecture du programme de ces Francomanias; d’abord, grâce à la légèreté de ce vieux garnement de Jacques Higelin, à ses humeurs incontrôlables, à sa folie communicative, qui peuvent faire chavirer les foules d’un claquement de doigt. Ensuite, parce que résonneront les gros sabots maladroits de cet ado goguenard, de cet ours mal léché d’Arno, histoire de faire tanguer Espace Gruyère loin des frontières du raisonnable.le-sonotone-de-claude-askolovitch

Ce n’est pas manquer de respect à Barcella, Saule ou Bénabar (quoi qu’on en pense, sacrément bon sur une scène) de présager que leurs prestations, sans doute impeccables, auront un je ne sais quoi de moins marquant que les concerts de ces deux vieux baroudeurs de la chanson.

Quand on effeuille l’histoire des Francomanias, on a tendance à dire Thiéfaine, Christophe ou Desjardins (ne parlons pas de Bashung, sinon je pleure), des noms que l’on murmure avec plaisir, mais un rien de gêne aussi… La chanson française se réinvente-t-elle encore si les meilleurs pourvoyeurs d’émotion ont tous la soixantaine bien tapée? La nouvelle scène, louée à grands cris il y a quelques années encore, semble s’être un peu évaporée. Reste les inamovibles, les dinosaures, ceux qui creusent leur sillon tout droit, sans souci des modes, avec leur œuvre brute, puissante, toujours déconcertante…

Oui, ces magnifiques fossiles tiennent encore le devant de la scène et rien ne semble devoir les en déloger, sinon la salope de faucheuse… Pourquoi sont-ils encore si bons et, sincèrement, tellement meilleurs que les autres? Faut-il se tanner le cuir à la scène des décennies durant, se remettre de ses succès, traverser quelques déserts, se fourvoyer, fourbir de nouvelles mélodies, user de la source jusqu’à la dernière goutte pour enfin donner le meilleur? Peut-être bien, oui.

Non seulement les vieux chansonniers sont souvent plus rock’n’roll que la majorité des gueulards acnéiques qui mesurent l’énergie d’un concert au nombre de décibels émis.

On croyait que le rock était affaire de jeunes, que les vieux chansonniers étaient juste bons à mettre de l’ambiance dans les salons de thé. Quelle erreur! Non seulement les vieux chansonniers sont souvent plus rock’n’roll que la majorité des gueulards acnéiques qui mesurent l’énergie d’un concert au nombre de décibels émis, mais, à voir Brigitte Fontaine sur scène l’année dernière, la punk attitude, comme les meilleurs bordeaux, se bonifie en vieillissant.

Tirons de ces quelques constatations, une morale agréable: l’intensité conserve… Mieux, elle tire toujours vers le haut. Et c’est le seul conseil qu’il serait acceptable de donner aux chanteurs débutants, ceux qui se croient une œuvre cachée là, entre le bide et les cordes vocales: soyez intenses ou ne soyez pas!

par Michaël Perruchoud

Pour ces Francomanias, La Gruyère a proposé une carte blanche à Michaël Perruchoud, écrivain, éditeur et chanteur, cofondateur du site www.cousumouche.com.

 

 

 

Posté le par admin dans Francomanias Déposer votre commentaire

Ajouter un commentaire