Quand Joe junior croise Joe senior

En 2074, il est devenu impossible de se débarrasser d’un corps en raison des moyens de traçabilité. Mais la Mafia, qui n’a rien perdu de sa créativité à la fin de ce XXIe siècle, trouve un moyen imparable: elle place les individus à éliminer dans une machine à remonter le temps et les renvoie cagoulés trente ans plus tôt: c’est là que les attend, pétard en joue, le Looper, un tueur à gages. Le voyageur du futur débarque dans un champ de maïs près de Kansas City, mais n’a pas le temps de dire ouf avant d’être abattu. Un job en somme pas si compliqué – il suffit juste d’être ponctuel – mais qui a son inconvénient: au bout d’un certain temps, le Looper doit boucler sa boucle en tuant son propre moi. Ainsi en a décidé la Mafia.

Joe (Joseph Gordon-Levitt) exerce ce métier de voyou. Il s’enrichit, se drogue, s’encanaille. Un vrai dur, prêt à livrer son meilleur pote pour de l’argent. Mais il faut voir sa tête lorsqu’il se trouve nez à nez avec lui-même, avec trente ans de plus (Bruce Willis). Paralysé, le jeune homme n’arrive pas à appuyer sur la gâchette et laisse filer sa proie. Le début des ennuis pour Joe junior et Joe senior, le début d’une histoire palpitante pour le spectateur.

Avant de porter aux nues ce film d’anticipation, trouvons-lui un défaut: comme dans toutes les histoires à remonter le temps naissent, ici et là, des incohérences. Un phénomène connu et que le Dr Emmett Brown appelle, dans Retour vers le futur, les «ruptures du continuum espace-temps». Le spectateur doit donc être suffisamment attentif pour suivre le scénario, subtil et complexe, mais sans non plus se poser de questions au risque de tomber sur des paradoxes temporels insurmontables.

Dans Looper, on ne rit pas beaucoup. L’univers est glauque, l’homme vénal et corrompu. La relation entre Joe junior et Joe senior est fascinante et incertaine. Est-on le même quand on a trente ans de plus? Peut-on avoir confiance en soi-même? Voilà de belles questions philosophiques qui enrichissent le film par moments avant que l’action ne reprenne ses droits. Rian Johnson, le réalisateur, avance ses pions l’un après l’autre, avec dextérité et avec minutie. Un film si réussi qu’il aurait pu être réalisé par Christopher Nolan (Batman, Inception). Et à la fin, échec et mat, tout s’imbrique: jubilatoire!

par Jérôme Gachet

Looper, de Rian Johnson, avec Bruce Willis, Joseph Gordon-Levitt et Emily Hunt.

notre avis: ♥♥♥

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