Bourne, reviens!

Ça sent l’arnaque à plein nez cette histoire! Jason Bourne: l’héritage sans Jason Bourne dedans. Les aventures sans Tintin, les vacances sans Monsieur Hulot, des sources sans Manon et pourquoi pas La passion du Christ sans le Christ pendant qu’on y est? Paul Greengrass et Matt Damon ont dit non pour un quatrième épisode. En bon producteur, Frank Marshall sait qu’on change une équipe qui gagne. Tant pis si les passagers sautent du train en marche. On n’arrête pas une machine qui mouline la concurrence. On l’alimente. L’essentiel est que respire la franchise.

Dès lors, comment se débarrasser de Jason Bourne sans qu’on l’oublie, faire en sorte que le spectateur garde le film dans la peau en effaçant le héros de sa mémoire? Les scénaristes font subir aux spectateurs ce qu’ils ont fait endurer à leur personnage au début de la saga. On réagit au film sans savoir ce qu’il est.

Un parti pris atténue néanmoins le sentiment d’escroquerie. A l’écriture et à la réalisation, Tony Gilroy, par ailleurs scénariste sur les trois premiers, choisit une temporalité audacieuse. Le quatrième volet se déroule en parallèle aux épisodes précédents. On n’enterre pas Jason Bourne, on creuse autour de lui.

Avec ce quatrième volet, on passe du 100 mètres au cross-country.

Le nouveau récit recoupe les anciens. Tony Gilroy restitue ces derniers en piochant quelques extraits dans La vengeance dans la peau. Outcome se révèle pire que Treadstone. Mais l’agent Aaron Cross (Jeremy Renner efficace, mais moins incarné que son prédécesseur) a tout compris ou presque. Le voilà fugitif, le voilà dans la peau de Jason Bourne. Bourne est mort, vive Bourne? Pas vraiment.

La trilogie avait porté l’action thriller à un tel niveau que James Bond lui-même s’est mis à jouer les Jason Bourne depuis Casino Royale. A la base d’une telle performance: le rythme. Une course effrénée, cadencée par un montage alterné redoutable. Que la caméra tressaillante de Greengrass a rendu plus véloce encore dans les deux derniers volets, jusqu’à atteindre des sommets avec des séquences telles que le chassé-croisé de Waterloo Station.

Jason Bourne: l’héritage rate le 4 x 100 mètres. On est passé au cross-country. Un scénario tarabiscoté, où les agents sont autant de coureurs dopés à l’insu de leur plein gré. Une idéologie de comptoir américain: la science malfaisante, le journalisme crédule, l’Etat comploteur, l’individu pour seul remède. Surtout, une piste moins rapide… on a même droit à du montage parallèle avec un plan subjectif sur une meute de loups.

Dans la foulée, le film conserve tout de même certaines caractéristiques gagnantes: un espace qui se construit en quelques plans rapides, de l’anticipation pour créer le suspens (Cross saute d’un arbre à l’autre, on comprend plus tard qu’il montait un piège) ou encore l’association d’un personnage novice pour permettre au spectateur de s’identifier tour à tour à celui qui accomplit la prouesse et à celui qui l’admire. Mais, jusqu’à cette fin en tire-bouchon, le film ne tient pas la distance.

Jason Bourne: l’héritage, de Tony Gilroy, avec Jeremy Renner, Rachel Weisz, Edward Norton, sans Matt Damon

 


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