Des hommes sans loi, tout y est et tout manque

Deux frères se disputent. Le puîné ébouriffe les cheveux gominés du benjamin. Plan suivant: deux coqs se chamaillent. C’est bon? Tout le monde a bien compris? Comme un combat de coqs, oui, c’est ça. Un détail, mais symptomatique de tout un film qui se croit obligé d’appuyer, d’insister, d’expliquer en voix off ce qu’est la prohibition.

Ainsi apparaît Des hommes sans loi: tellement soucieux de bien faire, de coller au genre «film de gangsters», de reconstituer une époque, qu’il finit par ressembler à un de ces travaux d’élèves surtout appliqués à ne pas dépasser la ligne. Sans aspérités et finalement curieusement plat.

Franklin, Virginie, 1931. Un comté où fleurissent les alambics clandestins, où chacun tire bénéfice de la production d’alcool de contrebande. Dans ce commerce, trois frères se distinguent, les Bondurant: Jack (le faible), Howard (le méchant) et Forrest (le très très fort). Quand débarque l’agent spécial Charlie Rakes, décidé à faire respecter la loi, ils vont être les derniers à résister. John Hillcoat (réalisateur de La route) a consciencieusement suivi le mode d’emploi. Qui implique des scènes de violence à la limite du supportable et des personnages caricaturaux: le gros dur qui cache un petit cœur tout bleu, le jeune parvenu qui va bien finir par payer, la jeune fille timide (mais rebelle au fond)…

Montrer des gars qui se fracassent la tronche ne fait pas encore un Scorsese.

Les comédiens aussi tiennent le rôle qu’on attend d’eux. A ce jeu, Shia Labeouf (Jack, le naïf qui ne demande qu’à épater ses grands frères) ne s’en sort pas trop mal, même s’il ne connaît que deux expressions et qu’il se fait clairement écraser par le massif Tom Hardy (Forrest). De son côté, Guy Pearce (l’agent Rakes) cabotine en totale roue libre.

Drôle de sentiment: tout est réalisé dans les règles de l’art, les codes et les types sont respectés et, en même temps, il manque à peu près tout ce qui fait la grandeur du genre. Du souffle, des tripes, qui vous emportent, vous font vibrer et frissonner. Montrer des gars se fracasser la tronche ne suffit pas pour devenir Martin Scorsese: par sa structure comme par ses personnages, Des hommes sans loi renvoie en effet clairement aux Affranchis. Au point qu’on a envie, en rentrant, de revoir le DVD… «Autant que je me souvienne, j’ai toujours rêvé d’être un gangster…» Non, finalement, la comparaison serait trop cruelle pour John Hillcoat.

par Eric Bulliard

Des hommes sans loi, de John Hillcoat, avec Shia Labeouf, Tom Hardy, Jason Clarke, Guy Pearce, Gary Oldman…
notre avis: ♥ 

 

 

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