Chez Hortense, un tissu de non-dits

«C’est simple: quelqu’un va peut-être avoir un problème parce que j’ai pas parlé à quelqu’un de quelque chose dont j’aurais dû lui parler. Et maintenant, je dois le dire à ce quelqu’un et je sais pas comment. Alors, est-ce que je dois le dire?» Un tissu de non-dits, imprimé de lâcheté ordinaire, qui s’effiloche entre deux actes manqués. Cherchez Hortense, c’est trois fois rien. Mais des petits riens au cube filmés avec consistance, qui finissent par nourrir son homme, c’est-à-dire le spectateur.

Parce que Pascal Bonitzer s’attache au vide qui remplit nos vies. Et parce que la recherche est menée par Jean-Pierre Bacri. L’acteur déclarait cette semaine: «En ce qui me concerne, c’est un gros malentendu. Non, je ne suis pas un ronchon» (24 heures du 12 septembre). C’est qu’à force de jouer les râleurs et les misanthropes, Jean-Pierre Bacri finit par se confondre avec ses personnages. Il rectifie donc et, à juste titre, ajoute que «le Castella du Goût des autres n’a rien à voir avec le Damien de Cherchez Hortense, qui n’a rien à voir avec le gars de Cuisine et dépendances».

«Cherchez Hortense» démonte des mécanismes et fait résonner les non-dits.

A juste titre car, dans le verre à moitié vide de Damien, il y a une onde d’espoir. Une ombrelle de bienveillance dans un cocktail de mélancolie. Professeur en civilisation chinoise, il vit un mariage en ruine et s’efforce seul de remplir le quota de tendresse dont son jeune garçon a besoin. Là-dessus, on lui demande d’actionner un piston: demander à son conseiller d’Etat de père (Claude Rich, fascinant) d’intercéder en faveur de Zorica, une jeune Serbe menacée d’expulsion. Le père pourrait tirer la sonnette en haut lieu, chez Hortense, dans une sphère du pouvoir tout là-haut. Mais Damien ne parle guère à son père, le père n’aime pas cette façon de faire, l’affaire est mal embarquée.

Sans jamais rien transcender, le film, mine de rien, entrelace les genres, le mélo familial progresse en caressant des sujets graves et égratigne même le milieu politique. Dans ce dernier cas de figure, on a droit à des personnages felliniens, des caricatures grotesques. Ces séquences sont les plus jubilatoires. Parce que Claude Rich et Jean-Pierre Bacri s’y affrontent à coups de regards qui en disent long et de dialogues mordants. Parce que Bonitzer nous sert une ironie crasse sur personnages en contre-plongée.

Ainsi Hortense, une gâchette du pouvoir, qui rompt n’importe quelle conversation en pressant la détente de son téléphone pour feindre un rendez-vous. L’ironie crasse, c’est quand le mensonge est perceptible mais que l’excuse demeure suffisamment ambiguë pour n’être pas remise en question. Cherchez Hortense démonte des mécanismes et fait résonner les non-dits. 

 par Yann Guerchanik

Cherchez Hortense, de Pascal Bonitzer, avec Jean-Pierre Bacri, Kristin Scott Thomas, Isabelle Carré, Claude Rich.
notre avis: ♥♥

 

 

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