Starbuck, papa… 533 fois!

Ça commence comme une comédie américaine. Pas du divertissement à la Lubitsch, plutôt de la tarte façon American pie. Avec du cru, du cul, du cucul. Comme il ne faut cracher ni dans la soupe ni sur le potache, on en reprend une louche. Avec d’autant plus d’alacrité qu’on découvre très vite un arrière-goût savoureux, du plus subtil qui prend le dessus.

Entre 1988 et 1990, David Wosniak s’est branlé pour 24000 dollars et des poussières. Il a enchaîné les visites dans une clinique de fertilité et aligné les petits pots sans les cuillères. Résultat: il est déclaré papa 533 fois. Rien d’affolant pour lui, si seulement une partie de cette marmaille n’aspirait pas à connaître son identité, procédure juridique à l’appui.

Déjà qu’entre les dettes et son sens de l’irresponsabilité sa vie n’est pas ce qu’il y a de plus équilibré, une centaine d’enfants biologiques par-dessus, voilà qui pourrait franchement faire pencher la balance dans la mélasse. On rit, on s’amuse des tribulations de ce personnage interprété par Patrick Huard, un bonhomme cossard et déphasé, pas exactement Big Lebowski dans la finition, mais attachant tout de même. Les répliques fusent et les dialogues décapent. Même si certaines formules Made in Québec nous échappent: du québécois sous-titré allemand ça peut s’avérer difficile à suivre. On entend «chandail», on lit «Trikot», on comprend maillot de foot, dans l’ensemble ça va.

Et puis le film prend une tournure plus mûre. Ken Scott sort son Starbuck de la purée comique. David Wosniak est trop pleutre pour révéler sa paternité, il se fait ange gardien en attendant une lueur de lucidité. Un t-shirt Avengers sur le dos, il veille en super-héros sur sa ribambelle de gosses. «El Masturbator» met la veuve poignet en veilleuse pour protéger ses orphelins. Ses enfants se révèlent frères et sœurs et prennent conscience de leur force communautaire.

Le film réussit le décalage de justesse chaque fois qu’un cliché lui tombe dessus.

Mine de rien, David Wosniak a conçu la ville fraternelle. Un endroit qu’il aimerait de plus en plus habiter. Sous les frivolités, les images: on s’aperçoit soudain qu’elles dégagent depuis le début un réalisme en contre-plaqué, inversement proportionnel à la brillance de ses couleurs. Starbuck se prend parfois les pieds dans le tapis (un donneur est-il véritablement un père?). Par endroits, on frise le clip publicitaire, avec ses ralentis esthétisants surlignés par une musique qui dicte le sentiment. Mais la sincérité l’emporte. A commencer par celle d’Igor Ovadis qui joue le père de David et qui donne corps à une sagesse toute polonaise. Le film réussit le décalage de justesse chaque fois qu’un cliché lui tombe dessus.

par Yann Guerchanik

Starbuck, de Ken Scott, avec Patrick Huard, Antoine Bertrand, David Giguère
notre avis: ♥♥

 

 

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