La part des anges, à travers le rire, la lutte sociale

 

A la fin de Looking for Eric (2009), on avait juste envie de relever son col, de gonfler sa poitrine et d’affronter le monde entier. A la fin de La part des anges, on a juste envie de s’offrir un single malt hors d’âge et de le déguster les yeux fermés. Et certains continuent à trouver que Ken Loach est déprimant…

Evidemment, il ne faut pas compter sur le réalisateur du Vent se lève pour faire dans la gaudriole. Dans l’expression comédie sociale, Ken Loach n’oublie jamais le social. Défenseur sans relâche des laissés-pour-compte, il ne cesse d’épater par la justesse de son regard, sa manière aussi d’appuyer là où ça fait mal. Et par ce talent unique de diriger des acteurs non professionnels. Comme ce Paul Brannigan, impressionnant dans le rôle principal de La part des anges.

Il joue Robbie, jeune délinquant de Glasgow, condamné à une peine de travaux d’intérêt général. Grâce à Harry, un éducateur bien intentionné, il découvre le monde du whisky et se révèle redoutable dégustateur. Mais, on ne se refait pas: avec ses nouveaux potes, Robbie imagine un plan qui lui permettra de sortir de la dèche.

Ken Loach épate par cette manière unique de diriger des acteurs non professionnels.

A 76 ans, Ken Loach n’a plus rien à prouver et peut tranquillement se faire plaisir sans chercher midi à quatorze heures. Tant pis si, dans une filmographie qui compte Riff-Raff, Land and freedom, My name is Joe ou encore Sweet sixteen, cette Part des anges prend souvent des allures de film mineur, par moments presque poussif. L’essentiel reste que l’épopée de cette bande de pieds nickelés demeure savoureuse, que l’ironie ne masque jamais une tendresse évidente pour les personnages, même ceux qui passent pour des abrutis.Et que le film s’achève sur un pied de nez joyeusement amoral.

Surtout, Ken Loach, avec son fidèle scénariste Paul Laverty, n’a rien perdu de son acuité quand il s’agit de disséquer les failles du système, la spirale de la misère et les tentatives d’en sortir. Dans cette grisaille, quelques lueurs: le regard si humain de Harry ou l’amour de Leonie. En Juliette contemporaine, elle résiste aux pressions de sa famille, qui refuse de la voir fréquenter ce voyou de Robbie, avec qui elle a eu un enfant. Exemplaire d’honnêteté et de sincérité, Ken Loach a souvent manié l’humour (qu’on se souvienne du vol de mouton de Raining stones), mais n’avait que rarement franchi aussi allègrement le pas de la comédie sympathique, fût-elle sociale. Puisqu’il paraît que de nos jours, au cinéma, le public ne cherche plus que l’occasion de passer un bon moment, autant le faire avec intelligence.

La part des anges, de Ken Loach, avec Paul Brannigan 

notre avis: ♥♥♥

 

 

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