B Bess: «Nos problèmes sont notre force: on les écrit»

Ce soir, B Bess vernit son album Puzzle à Ebullition, en première partie de Demi Portion. Actif dans le milieu hip-hop depuis quinze ans, le rappeur bullois évoque son écriture sincère, sa collaboration avec Aketo, le label PunchLife et son studio d’enregistrement aménagé depuis peu au sous-sol d’une HLM.

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par Christophe Dutoit

Depuis une vingtaine d’années, Bulle devient une ville et s’ouvre peu à peu aux cultures urbaines. Preuve en est l’émergence d’une scène hip-hop de plus en plus intéressante, notamment autour d’Ebullition, qui accueille ce samedi soir le rappeur français Demi Portion. En première partie, le Bullois B Bess vernira son album Puzzle, en compagnie de nombreux invités.

Après le maxi Dans le barillet (2001) et l’EP Punchlife (2012), le trentenaire sort son premier disque, réalisé entre Bulle, Estavayer et Lausanne. «En général, on m’envoie des instrumentaux. S’ils m’inspirent, les thèmes viennent tout seuls: je parle de moi, de ma vie, je donne mon avis sur l’actualité. Du moment que ça me parle, j’en parle.»

A commencer par cette «chanson d’amour» pour sa fille, après un titre déjà consacré auparavant à son fils. «Comme ça, je n’aurais pas de problème dans quinze ans…» raconte B Bess, rencontré cette semaine dans son antre bullois. «Le texte m’est venu tout seul. C’est ce que j’avais envie de lui dire: “Ma petite perle / Celle qui me fait fondre en un sourire / Sur mon dos je prendrais tes peines / A ta place j’aimerais souffrir / Je resterais ton père / Pour le meilleur et pour le pire / Et si un jour tu me perds / Retrouve-moi dans tes souvenirs.”»

«Je suis ouvrier»
Casquette à l’envers, barbe soignée et veste en similicuir, B Bess n’est pas né de la dernière pluie. Constructeur métallique la semaine, barman le week-end et rappeur à chaque instant. «Je fais du rap comme certains du foot. Par passion. Je suis ouvrier, pas millionaire. Chaque matin, je me lève pour remplir le frigo familial.»

Loin de certains clichés bling-bling, B Bess et ses acolytes pratiquent un rap sincère. «On connaît les gens à qui on s’adresse. On ne peut pas leur raconter du vent. Je suis fier de qui je suis. Je ne suis pas mytho, je n’ai pas besoin de m’inventer une vie. Mon fils écoute ma musique et il sait que je ne suis pas un gangster.»

D’ailleurs, l’auditeur ne trouvera pas trace d’apologie de la violence ni de mots vulgaires. Mais plutôt des diatribes contre la drogue, à l’image de Dame blanche. «On voulait délivrer un message pour les jeunes. On va d’ailleurs en faire un clip, pour les dégoûter de ce fléau.»

Avec Aketo de Sniper
Depuis le début de la conversation, le Bullois parle à la troisième personne. Non pas par surestime de soi, mais pour associer ses acolytes, omniprésents dans sa musique: il y a là Biga, Kofa, Dréan et de nombreux invités, à l’image d’Aketo, du groupe Sniper. «Il bossait dans le même studio que nous à Lausanne. On a fait connaissance et on a eu envie de faire un titre ensemble. On a commencé chacun de son côté et on a fini d’écrire A quoi bon en studio.»

Au reste, l’album est parsemé de plusieurs autres featurings, notamment avec la chanteuse Tia, qui collabore avec B Bess depuis quatre ans. «Elle n’hésite jamais à nous mettre en avant. Elle a parlé de nous à la télé.»

Après avoir chauffé les Archives du Buro le week-end dernier, B Bess montera ce soir sur les planches d’Ebullition. «On a commencé par la scène. Internet, ce n’est pas pareil: on poste nos clips sur Youtube, mais on n’a pas forcément des retours sincères. Sur scène, on passe de supersoirées entre amis. On le ferait chaque semaine!»

Même si l’envie de tourner est bien présente, la conquête du monde passe d’abord par Bulle. «Tu ne vas pas ailleurs si tu n’es pas le roi chez toi. D’ailleurs, on voulait que le premier article paraisse dans La Gruyère. C’est ici, c’est chez nous.» Une manière également de rendre hommage à ceux qui ont tracé le chemin, à l’exemple de Magister. «C’était nos potes. Ils habitaient là, à Bulle. On s’est dit: “Nous aussi, on va le faire!”»b-bess01

Depuis trois ans, le collectif loue une surface au sous-sol d’une HLM bulloise. «Le local du concierge était disponible. La régie nous a proposé un prix, on l’a pris. Elle n’a jamais posé de questions et nous n’avons jamais eu de problèmes dans l’immeuble. On est des adultes, on sait se comporter en société.»

Jack Daniel’s et Benfica
Au début, il n’y avait qu’un canapé et une table. «On s’est formé en association autour du label PunchLife. On a dessiné des habits, des bonnets, des casquettes et on a vendu 300 T-shirts, ce qui nous a permis d’améliorer notre studio. Notre but était d’être indépendants à 100%. On y est arrivé.»

De fil en aiguille, ils fabriquent une cabine insonorisée, achètent des micros, des cartes son, des logiciels. Ils améliorent l’ordinaire, recyclent des bouteilles de Jack Daniel’s (vides) pour la déco, épinglent leurs écharpes du Benfica. Tout ce que le groupe gagne est réinvesti dans la musique. «On ne s’est même pas fait un resto avec cet argent», rigole Dréan, pilier de PunchLife. Pour eux, le rap est aussi une histoire de sacrifices.

«On n’a pas de gros moyens, mais on est très déterminés, poursuit Kofa. Les choses se font plus lentement, de manière artisanale.» En chœur, ils l’assurent: «Nos problèmes sont notre force: on les écrit.»

Cet printemps, le studio PunchLife est déjà hyperactif. Agadja a produit sa mixtape et Kofa peaufine son album à sortir en mai. «Nous, on a galéré pour y arriver. Maintenant, on aimerait aussi aider les plus jeunes.»

Avec son label, B Bess a décidé de publier son disque sur les plates-formes numériques, mais aussi sous forme de CD. «Sans prétention, on est les seuls à Bulle à sortir des projets aboutis. C’est important d’arriver au stade du disque. On veut le voir dans les bacs. Ça m’a fait tout drôle la première fois que je me suis retrouvé à la FNAC avec mon carton sous le bras. Mais c’est une manière de sortir du lot.»

La semaine prochaine, B Bess sera l’invité de Downtown Boogie, l’émission phare du hip-hop sur Couleur 3. Une première consécration pour le rappeur bullois. Après son triomphe attendu à Ebullition, bien entendu.

B Bess, Puzzle, PunchLife Music, www.mx3.ch/bbess

 

 

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