The Sisters of Mercy, une légende à Fri-Son

Emmenés par leur chanteur Andrew Eldritch, The Sisters of Mercy n’ont plus publié de disques depuis 1990. Ce qui n’empêche pas le trio originaire de Leeds, précurseur du rock gothique, de donner régulièrement des concerts sans aucune nostalgie, comme ce soir à Fri-Son.

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Pour beaucoup, The Sisters of Mercy évoquent de vagues souvenirs des années huitante. Quelques clips sur MTV, une poignée de chansons ténébreuses comme une nuit sans lune et certainement l’un des looks les plus noirs jamais entrevus sur scène. Bientôt quarante ans après sa formation, le légendaire trio jouera pour la première fois à Fri-Son, ce jeudi soir, pour un concert aux antipodes de la nostalgie.

Revenons au cœur de l’Angleterre, en l’an de grâce 1977. Tandis que les Sex Pistols beuglent Anarchy in the U.K., le jeune Andrew Eldritch forme avec Gary Marx la première mouture des Sisters of Mercy. Après avoir étudié les littératures française et allemande à Oxford, le jeune homme abandonne ses cours de mandarin et de sciences politiques pour jouer de la batterie dans les bas-fonds de Leeds, au sein d’une scène punk locale très active. Une batterie que le jeune homme troque bientôt contre la programmation d’une boîte à rythmes qu’il nomme affectueusement Doktor Avalanche. Toute référence à Leonard Cohen n’est absolument pas fortuite.

Andrew Eldritch concentre ainsi ses efforts sur son chant guttural et la composition d’une série de singles et de E.P. qui font bientôt leur chemin dans les charts britanniques.

Septante kilomètres plus à l’ouest, Joy Division fait de même avec une froideur extrême et pose à Manchester les jalons de la cold wave.

Très influencés par tout ce qui a marqué l’histoire du rock, The Sisters of Mercy se plaisent à reprendre sur scène aussi bien le Velvet Underground (Sister Ray) que Suicide (Ghostrider), sans oublier The Stooges (1969) ou les Rolling Stones (dans une version désincarnée de Gimme shelter). Septante kilomètres plus à l’ouest, Joy Division fait de même avec une froideur extrême et pose à Manchester les jalons de la cold wave.

Rythmes hypnotiques
Avec leur basse très mélodique mixée au premier plan, des guitares exsangues de saturation et cette boîte à rythmes diaboliquement hypnotique, The Sisters of Mercy se fabriquent un son novateur et inconnu jusqu’alors. Certains critiques parlent de dark wave ou de rock gothique, deux étiquettes dont Eldritch s’évertuera à se débarrasser tout au long de sa carrière. Tout comme il refusera obstinément le titre de groupe culte, que lui décernent aussi bien ses fans que la presse anglo-saxonne.

En 1985, The Sisters of Mercy publient leur premier album, First and last and always, une collection de dix chansons imparables, une étoile à dix branches qui ouvre la voie à un nombre incalculable de clones et de suiveurs. Avec des titres phares comme Marian, Amphetamine logic ou A rock and a hard place, le groupe invente une nouvelle manière d’écrire des chansons sombres, exacerbées par des paroles obscures et désenchantées. A l’époque, le groupe reçoit un accueil critique plutôt positif et recrute ses fans parmi les corbeaux dépressifs et blafards qui écoutent The Cure à la nuit tombée.

Plus wagnérien
Deux ans et un changement de personnel plus tard, The Sisters of Mercy prennent un premier contre-pied avec l’album Floodland. Nettement plus wagnérien dans ses fantastiques chevauchées (Dominion/Mother Russia), cet album est marqué par l’utilisation omniprésente de claviers, de nappes de synthétiseurs aux sonorités très lourdes et de chœurs grégoriens. A l’image de This corrosion, les morceaux s’étirent parfois sur plus de dix minutes, avec toujours cette entêtante boîte à rythmes qui pulse des tempos biomécaniques et industriels. Dans le même temps, Eldritch signe des splendeurs de dénuement, notamment 1959, creusée jusqu’à l’os avec seuls quelques accords de piano, ou Torch et ses arpèges de guitare acoustique.

En 1990, Eldritch change à nouveau de collaborateurs et sort Vision thing, le troisième sommet de son triangle infernal. Cette fois-ci les guitares lorgnent aux frontières du metal. Le son est aussi massif que celui de Motörhead. Mais avec cette touche mélodique qui lui confère toute son ambiguïté. Là encore, The Sisters of Mercy signent un disque hiératique, malgré la présence d’I was wrong, qui clôt l’objet sous la forme d’un fier aveu. «I was wrong / To have a doubt (J’avais tort / D’avoir un doute).»

Depuis novembre 1990, The Sisters of Mercy n’ont plus sorti d’albums, si ce n’est deux compilations. «On n’enregistre pas de disque, parce qu’on n’en a pas besoin, explique Eldritch sur le site internet www.the-sisters-of-mercy.com. Nous ne sommes pas comme la plupart des groupes, esclaves de leur maison de disques, de leur agent ou des médias, qui aiment dicter le rythme d’une carrière selon leur propre dessein.»

Lire des livres
Depuis plus de vingt-cinq ans, le groupe aujourd’hui réduit à un trio (sans compter Doktor Avalanche, toujours fidèle au poste) continue de tourner régulièrement. Sur scène, il joue de nouveaux morceaux, à l’image de Crash and burn ou (We are the same), Susanne. «A l’inverse de la plupart des groupes, nous faisons d’autres choses dans la vie. Pas seulement de la musique. Vous pouvez penser qu’on fait fausse route en passant autant de temps à jouer sur l’ordinateur, à lire des livres sans images, à faire des expériences chimiques, à réfléchir à la politique ou à avoir du sexe. J’aime que nos chansons soient ancrées dans la vraie vie.»

Ce soir, Andrew Eldritch portera immanquablement ses lunettes fumées et se réfugiera derrière son nuage de fumigènes. Le crâne rasé et quelques kilos en plus, il laisse aux nostalgiques leurs habits noirs gothiques. De toute manière, le public fidèle se délecte de la tournure contemporaine prise récemment par The Sisters of Mercy, qui n’hésitent pas à remettre au goût du jour certains titres méconnus, tel Jihad, paru en 1986 sous le nom The Sisterhood. Jihad, que le groupe jouait encore dimanche soir à Bruxelles…

Fribourg, Fri-Son, jeudi 24 mars, 21 h, www.fri-son.ch

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