The Grateful Dead, fin du trip halluciné

Au début de l’été, les survivants du Grateful Dead ont donné les cinq derniers concerts du groupe fondé en 1965 à San Francisco. En 81 titres, ils ont traversé un demi-siècle d’expérimentations, aussi bien musicales que pharmacologiques.

grateful-dead-20150629

par Christophe Dutoit

Imaginons-nous à San Jose le 4 décembre 1965. Le romancier Ken Kesey et ses Merry Pranksters (joyeux lurons en argot) organisent un «acid test», un voyage organisé au pays des rêves hallucinés, en compagnie d’Owsley Stanley, le chimiste clandestin qui inonde de LSD la baie de San Francisco. Ce soir-là, les anciens Warlocks montent sur scène et invitent ces premiers hippies à pénétrer leur musique. The Grateful Dead naît ainsi dans une nuit colorée de mille lumières psychédéliques.

Deux ans plus tard, le groupe emmené par Jerry Garcia – le guitariste le moins sexy de l’histoire, mais certainement l’un des plus inspirés – participe au fameux Eté de l’amour qui secoue Haight-Ashbury et bientôt la planète entière. Le groupe joue bien sûr du rock teinté de Chuck Berry et de bluegrass, mais se laisse rapidement aller à de longues improvisations sur scène, dans les sillons creusés par John Coltrane ou Edgar Varèse.

Mythe en marche
Comme des fétus de paille prêts à s’embras(s)er, les inconditionnels se multiplient et forment bientôt une communauté informelle, les Dead Heads, qui suit le groupe dans toutes ses tribulations. Le mythe est en marche. Comme Jimi Hendrix, The Grateful Dead incendiera Monterey et Woodstock. Comme Led Zeppelin, il connaîtra son apogée dans les années 1970. Comme Tom Petty, il accompagnera Bob Dylan dans une tournée phénoménale en 1987. Et comme tant d’autres, l’abus de drogues aura la peau de Jerry Garcia à l’été 1995, après un 2314e et dernier concert.BWDeadHaightAshbury_lg

L’incroyable histoire du Grateful Dead aura pu en rester à ce stade, le Soldier Field de Chicago en l’occurrence. Les Beatles ne se sont jamais reformés après la mort de Lennon, aucun Dead Heads n’aurait pensé revoir ses idoles sans Garcia.

Vingt ans après sa mort, l’impossible s’est toutefois produit cet été. A Santa Clara et à Chicago, les quatre survivants, accompagnés de trois virtuoses, sont remontés à cinq reprises sur scène. Tant pour faire revivre une dernière fois l’esprit du groupe, que pour rappeler son importance dans l’histoire de la musique du XXe siècle.

Durant ces cinq nuits d’apothéose, le groupe s’est sublimé, malgré les 75 ans du bassiste Phil Lesh. En T-shirt et jeans coupés, avec leur décontraction coutumière, les papys ont interprété 81 titres différents, avec une prise de risques omniprésente et l’envie de scruter les moindres parcelles de leur carrière.

Douze minutes d’extase
Publié soit en version complète (12 CD + 7 DVD), soit uniquement le dernier soir (3 CD + 2 DVD), soit en best of (2 CD), Fare thee well est le testament rêvé de ce groupe qui a toujours donné le maximum à ses fans. Mis à part deux titres (Truckin et Cumberland blues), The Grateful Dead n’a pas joué deux fois la même chanson. A l’exception de Drums et Space, le célébrissime duo de batterie entre Bill Kreutzmann et Mickey Hart, passage obligé de chaque prestation, étalé sur douze minutes d’extase.grateful-dead03

Bien que leurs lentes envolées de guitares ne soient plus vraiment au goût du jour – à moins qu’elles volent moins haut sans l’influence du LSD? – les musiciens du Grateful Dead restent parmi les improvisateurs les plus incroyables dans le monde du rock. Même en l’absence du maître Jerry Garcia, dieu de la six-cordes véné­ré par ses pairs, Bob Weir et ses acolytes multiplient les variations débordantes d’imagination et prennent leur pied à entrer ainsi en symbiose avec leur public acquis. Avec ce Fare thee well gargantuesque et imparable, The Grateful Dead peut mourir en paix. Son public lui sera éternellement reconnaissant.

The Grateful Dead
Fare thee well
www.dead.net

A noter que l’ensemble des concerts du Grateful Dead est disponible à l’adresse www.archive.org/details/ GratefulDead

dead-fair-thee-well

 

 

Posté le par admin dans Anglo-saxon, Musique Déposer votre commentaire

Ajouter un commentaire