Bernard Descamps, fragilités au carré

Le photographe Bernard Descamps vient de publier Où sont passés nos rêves?, magnifique recueil d’images dans un noir et blanc sans âge.

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par Christophe Dutoit

Une fille floue en gros plan sur les quais de la Seine, quelques marches taillées à même le roc dans le Haut-Atlas, une minuscule silhouette blanche sur les pentes scoriacées de l’Etna, deux hommes assis au sommet d’un plongeoir à Madagascar, un vol de sternes arctiques en Islande… Pour célébrer ses quarante ans de photographie, Bernard Descamps a procédé à un inventaire à la Prévert. Il vient de publier cinquante images dans le très beau recueil Où sont passés nos rêves?. Soit un peu moins d’une demi-seconde dans toute une vie, si l’on met bout à bout ces cinquante fractions de temps posé. Une paille.

Alors doctorant en biologie, Bernard Descamps fête ses 28 ans lorsqu’il troque ses recherches contre un appareil photo et une poignée de pellicules. C’était en 1975 et le vaste monde s’ouvrait à lui: l’Afrique, comme une évidence, mais aussi le Japon, l’Inde, le Vietnam ou l’Islande.

En 1986, le Français participe à la création de l’agence VU dans la mouvance de Libération. Avec ses comparses, il signe ses images avec une nouvelle subjectivité enfin conquise après des années de lutte.

Il est aussi possible que ce soit le regard qui crée le moment (…). Pour donner à voir, il faut avoir beaucoup regardé, et aimé ce qu’on a regardé.

«Tout moment vaut peut-être un poème, mais peu sont, comme Bernard Descamps, aptes à le lui offrir, écrit le chanteur Dominique A dans sa préface. Il est aussi possible que ce soit le regard qui crée le moment (…). Pour donner à voir, il faut avoir beaucoup regardé, et aimé ce qu’on a regardé.»

Nostalgie intemporelle
Observateur attentionné de la nature, le «soixante-huitaire» cite volontiers Prévert lorsqu’il qualifiait le photographe Boubat de «correspondant de paix». Chez lui aussi, le noir et blanc emplit le passé d’un voile de nostalgie intemporelle. Chez lui aussi, la magie du carré brise les compositions conventionnelles. Même s’il cadre volontiers les humains sans tête ou de dos, Bernard Descamps a photographié durant quarante ans avec cette fascination pour les instants futiles. Ces petits riens qui ne prennent vie que sur les tirages photographiques, ces moments faibles où rien ne se passe sauf sous le regard de cette caste de photographes-ci.descamps02

«Seules la poésie et la philosophie peuvent lutter contre l’absurde et le grotesque», a dit un jour Bernard Descamps, qui voit dans ses images autant d’autoportraits comme projetés sur la réalité.descamps04

Des troncs enneigés à Bruxelles, une traînée d’avion dans le ciel alpin immaculé, une silhouette noire sur la plage de cap Gris Nez, un choix de boules de glace à Dunkerque, une vitre perlée de gouttes de pluie en Islande… Encore cinquante instants d’une telle fragilité et Bernard Descamps aura atteint une pleine seconde d’éternité.

Bernard Descamps
Où sont passés nos rêves?
avec un texte de Dominique A
Editions Filigranes, 96 pages

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