Vulgarisons la savante complexité du subventionnement culturel

Ce vendredi se tient à Sâles une nouvelle édition des Etats généraux de la Gruyère sur le thème Culture et région. En marge des conférences et des débats, La Gruyère – en collaboration avec Philippe Trinchan, chef du Service de la culture – fait le point sur le système de financement de la culture. Et donne la parole à quatre artistes professionnels actifs dans le canton, afin qu’ils décrivent leur quotidien et leur rôle d’acteur culturel.

Silencio - Julien Schmutz

par Christophe Dutoit et Eric Bulliard

«L’art a besoin d’argent, la culture ne s’autofinance pas.» A l’évidence, tous les intervenants des Etats généraux de la Gruyère, dont le prochain volet se déroulera ce vendredi à Sâles, seront au moins d’accord sur ce point-là! Mais encore. L’art et la culture sont largement subventionnés par l’argent public, peu de monde en doute. Mais comment les rôles se répartissent-ils entre les communes, les cantons, la Confédération? Les amateurs sont-ils traités comme les professionnels?

Premier principe. Les lois suisses s’accordent toutes sur un point: le financement de l’art est d’abord l’apanage du domaine privé. Il n’existe donc pas de «droit à la subvention» et l’argent public est toujours considéré comme un soutien subsidiaire à une initiative privée. Pour harmoniser la manière dont le financement est distribué, les communes et les cantons se sont réparti les rôles.

Le rôle de la commune
En Suisse, les communes sont les principales financières de la culture. A Fribourg, selon la Loi sur les affaires culturelles de 1991, l’animation culturelle est confiée aux communes, considérées comme responsables du lien social entre les habitants. Elles soutiennent aussi bien les chorales que les fanfares ou les clubs de football.

Elles supportent en outre les coûts des bibliothèques et des musées communaux, à l’exemple du Musée gruérien, qui (contrairement à ce que son nom indique) dépend de la ville de Bulle, à l’instar du Musée de Charmey ou le Musée du papier peint à Mézières. Ce qui ne manque pas de poser la question d’une mutualisation intercommunale des frais, à l’image de ce qui s’est fait avec l’association Sports en Gruyère.

Le rôle des associations de communes (agglo)
Plusieurs associations de communes ont vu le jour autour des chefs-lieux de district, afin d’assurer les frais de fonctionnement de salles de spectacle. Dans le Grand-Fribourg, Coriolis Infrastructures, la Fondation Equilibre/Nuithonie et le pot culturel commun de l’Agglo sont financés, à géométrie variable, par les communes limitrophes. Le fonctionnement est similaire en Gruyère, en Glâne et en Veveyse autour de la salle CO2 à La Tour-de-Trême, du Bicubic à Romont et de l’Univers@lle à Châtel-Saint-Denis. De nombreuses communes plus petites ont également construit des salles polyvalentes capables d’accueillir des spectacles, à l’image de La Lisière à Sâles ou d’Otavela à Hauteville. Des lieux culturels pour l’heure uniquement financés par les communes sièges.

Le rôle du district
Dans le domaine culturel, les préfets ont pour mission de promouvoir les activités culturelles dans leur district en veillant à la concertation et à la coopération intercommunale. Ce niveau prend de l’ampleur depuis quelques années. Ainsi, toutes les communes de la Gruyère cotisent auprès de l’Association CO2, au prorata du nombre de leurs citoyens, pour financer la saison culturelle de la salle CO2.

Le rôle du canton
A Fribourg, le canton est chargé prioritairement de soutenir le développement de la scène professionnelle. En particulier, il finance la création artistique, ce qui représente environ 80% à 85% du budget du Service de la culture, à hauteur de près de 4 millions de francs.

Le rôle de la coopération intercantonale
Les cantons seuls ne parviennent pas à assumer toutes les tâches, notamment de promotion et de diffusion de la culture. Une mutualisation des ressources intercantonales a pris forme, au niveau romand, depuis plusieurs années via des structures telles l’association Corodis (commission romande de diffusion des spectacles), la Fondation romande pour la chanson et les musiques actuelles, l’association Artos (professionnels du spectacle), Label+ (promotion de la création théâtrale professionnelle, notamment pour le financement de grosses productions) ou encore Cinéforom, la Fondation romande pour le cinéma.

A noter aussi que les cantons romands subventionnent ensemble La Manufacture (la Haute Ecole des arts de la scène), et que Fribourg, Vaud et le Valais financent leur Haute Ecole de musique.

Le rôle des institutions culturelles
A Fribourg, l’Etat finance plusieurs institutions culturelles cantonales: la Bibliothèque cantonale et universitaire, le Conservatoire (avec ses décentralisations, notamment à Bulle), les Archives de l’Etat de Fribourg, le Musée d’art et histoire, le Musée d’histoire naturelle, ainsi que le château de Gruyères (sous la forme d’une fondation). Il est membre et/ou il donne également une aide financière régulière à diverses fondations, notamment le Vitromusée de Romont, le Musée de Vallon, l’Espace Jean Tinguely – Niki de Saint Phalle, le Musée de Mézières ou encore le Musée Bible et Orient.

Le rôle de la loterie romande
Comme dans chaque canton romand, l’organe fribourgeois de répartition de la Loterie romande (LoRo) est un organe parapublic chargé de redistribuer les bénéfices retenus des jeux de la loterie. Il alloue chaque année plus de 6 millions à la culture. Son aide doit répondre à un intérêt public. Elle soutient notamment des manifestations à caractère répétitif, des projets de création amateur ou professionnels, les festivals de musique ou de cinéma, les saisons culturelles des théâtres ou encore des salles de musiques actuelles telles que Fri-Son, Bad Bonn, Nouveau Monde ou Ebullition par exemple.

Le rôle de l’office fédéral de la culture
Au niveau fédéral, l’Office fédéral de la culture (OFC), dirigé par la Fribourgeoise Isabelle Chassot, contribue à l’encouragement de la culture et au dialogue culturel en Suisse. Il est particulièrement actif dans le cinéma. Il chapeaute notamment la Bibliothèque nationale à Berne et le Musée national à Zurich et à Prangins. Dans son dernier message, daté du printemps 2015, le Conseil fédéral parle d’ailleurs pour la première fois de «politique nationale» de la culture, pour bien marquer son rôle fédérateur.

Le rôle de pro Helvetia
Toujours au niveau de la Confédération, Pro Helvetia aide en particulier au rayonnement national et international de la culture suisse, via des subventions à la production ou à la diffusion. La fondation contribue aux échanges culturels entre les régions linguistiques à l’intérieur de la Suisse, ainsi qu’à la médiation artistique.

Le rôle des fondations
Enfin, parmi les acteurs parapublics (ou le plus souvent privés) du financement de la culture, un certain nombre de fondations subventionnent des projets avec des montants substantiels. Parmi les plus connues, on peut citer les Fondations Sandoz, Göhner, Bindings, Leenaards ou Migros, qui ont chacune leurs propres critères d’attribution. Sans leur appui, la plupart des projets de grande envergure ne verraient simplement pas le jour.

 

Des aides spécifiques
par les bourses

Depuis plusieurs années, l’aide directe aux artistes devient de plus en plus ciblée. Finie la politique de l’arrosoir qui permettait de donner un petit peu d’argent à beaucoup de monde. «L’aide sélective va probablement se renforcer, car les attentes financières des artistes professionnels sont plus fortes», affirme Philippe Trinchan, chef du Service de la culture du canton de Fribourg. «Le public est plus exigeant et mobile. Il compare les propositions artistiques et se déplace aussi bien à Lausanne qu’à Paris. La création artistique professionnelle fribourgeoise doit dès lors être attractive et pouvoir rayonner à une plus large échelle. Cela dit, il est tout aussi essentiel de favoriser la diversité culturelle locale. En ce sens, le canton tient à soutenir des créations professionnelles qui se font en lien avec des artistes amateur.»

Par exemple, un chœur mixte villageois peut être soutenu s’il commande une pièce à un compositeur et s’il invite l’Orchestre de chambre fribourgeois à jouer lors de son concert. «Par ce type d’aide, mais aussi le soutien à la médiation culturelle, l’Etat veut soutenir une culture qui favorise le lien social, l’intégration et l’identité, alors que le canton connaît une forte croissance démographique.»

Alors que l’offre culturelle s’est développée durant la dernière décennie, le budget culturel cantonal a légèrement crû, à raison de 1% annuel ces dix dernières années. Pareil pour les communes, bien qu’on peine à disposer d’une statistique précise.

Les bourses
Afin d’aider ponctuellement les artistes, le canton a mis en place un certain nombre de bourses dans divers domaines: notamment la bourse Pierre et Renée Glasson, la bourse en faveur des musiques actuelles, l’Enquête photographique fribourgeoise ou la bourse d’encouragement à la création littéraire. Ces aides ponctuelles sont attribuées à la suite d’un concours et de la décision d’un jury. A noter encore que le Conseil d’Etat décerne tous les deux ans le Prix culturel de l’Etat de Fribourg, doté d’un maximum de 20000 francs et qui récompense un artiste pour l’ensemble de son œuvre. Ces dernières années, Pierre Huwiler (chant), Roger Jendly (théâtre), Gustav (musique), Jean-François Haas (littérature) ou en 2014 DaMotus (danse) en ont été les lauréats. Le monde des arts visuels est, par nature, davantage commerçant. Du coup, le domaine public n’a pas pour but de se substituer aux galeries. Le canton et certaines communes (à l’image de Bulle depuis l’an dernier) disposent de budgets d’acquisition d’œuvres d’art, avec des politiques plus ou moins actives. Au reste, certaines institutions passent par le biais de mécènes pour l’achat d’œuvres actuelles qui seront déposées dans leur collection.

Les résidences à l’étranger
Afin d’aider directement les artistes, le canton et certaines villes (ou conférences de villes) mettent à disposition plusieurs ateliers à l’étranger, notamment à Berlin, à Paris ou à Bénarès. En général, une bourse accompagne ces résidences d’artiste pour assumer les frais quotidiens sur place. Depuis l’an dernier, le canton a créé également une bourse de mobilité pour la création artistique (le délai d’inscription court jusqu’à ce vendredi).

Le financement participatif et le mécénat
Depuis quelques années, divers musiciens ou auteurs font appel au financement participatif (crowdfunding) pour développer leur projet. Dérivée du monde de l’entreprise et des start-up, cette démarche consiste à prévendre des disques ou des livres, souvent en lien avec d’autres prestations. Plusieurs artistes fribourgeois (Laure Perret, Francis Francis ou plus récemment Kassette) ont ainsi récolté de l’argent via la plate-forme Wemakeit, argent qui a permis de donner un élan à leur projet.«En outre, nous devons améliorer le terreau du mécénat dans le canton, qui est encore peu intéressé à l’art contemporain», conclut Philippe Trinchan.

 

Sylvianne Tille, metteure en scène:
«Un spectacle, c’est six mois de travail»

tilleSylviane Tille ne le cache pas: il lui est arrivé de se demander si tout cela en valait la peine. Mais il y a «ce bonheur de créer… Et voir les enfants sortir heureux d’un spectacle permet d’effacer les doutes!»

D’abord comédienne, la Fribourgeoise s’est formée à la mise en scène auprès de Gisèle Sallin, au Théâtre des Osses. En 2007, elle crée, avec la comédienne Céline Cesa et la scénographe Julie Delwarde, la compagnie de L’Efrangeté, basée à Bulle. Six spectacles ont vu le jour, trois pour adultes, trois pour jeune public. Le prochain est prévu pour la saison 2016-2017.

«Un spectacle, pour moi, c’est environ six mois de travail. Je lis beaucoup, je cherche le sujet, j’en parle avec Céline et Julie…» Une fois le texte choisi, le travail commence bien avant les répétitions, seule période salariée. Par exemple avec la préparation du dossier pour les demandes de subvention. «Le dernier fait soixante pages, avec des intentions de mise en scène, la distribution… Les comédiens doivent réserver la période, sans savoir si on aura les moyens de monter le spectacle.» Il s’agit aussi d’aller trouver un théâtre de création (comme Nuithonie), pour voir si une coproduction est envisageable.

J’ai longtemps travaillé comme une folle, pour 2500 francs par mois.

Dans un budget (qui peut rapidement s’élever à 200000 francs pour une pièce à quatre comédiens), les salaires constituent le poste principal. «Nous essayons de payer tout le monde avec un salaire décent, soit 5000 francs bruts par mois.» Pour les acteurs, Sylviane Tille compte deux semaines de jeu et huit de répétition. Avec les aspects techniques (costumes, lumières, décors…), une compagnie de théâtre forme «une petite entreprise qui engage une quinzaine de personnes pour deux ou trois mois», rappelle-t-elle. A côté, il y a encore tout un «travail de fourmi» pour l’administration – avec l’aide de Michael Monney – le site internet, les contacts pour la diffusion… «J’ai longtemps travaillé comme une folle, pour 2500 francs par mois.» Ce qui serait plus difficile aujourd’hui, avec ses deux enfants (la dernière a quatre mois). A côté de sa compagnie, Sylviane Tille peut compter sur d’autres engagements au Festival du Belluard ou auprès des cinéastes Frédéric et Samuel Guillaume. Elle donne aussi des cours au Conservatoire, «mais pendant les périodes de création, ce n’est plus possible» et connaît quelques passages par le chômage.

De janvier à mars, la dernière pièce de L’Efrangeté, Les contes abracadabrants, va partir pour une importante tournée de plus de trente dates. «C’est la première fois et il a fallu un travail de longue haleine pour y arriver.» Oui, ça valait la peine de persévérer.

 

 

Olivier Havran, comédien:
«Là, j’ai su pourquoi je fais ce métier»

havranIl a d’abord suivi une formation d’électricien, puis d’infirmier, avant de se lancer dans le théâtre professionnel. A sa sortie de l’Ecole Serge Martin, à Genève, en 2005, Olivier Havran intègre le Théâtre des Osses, à Givisiez. Pendant sept ans, il connaît une situation rare dans le métier: il a un emploi fixe. «J’ai vécu le côté famille des Osses, qui m’a permis de me perfectionner. Après, j’ai voulu me frotter au quotidien.»

Le quotidien, pour un comédien, c’est les C.V. à envoyer, les spectacles à voir avant de contacter les metteurs en scène pour leur dire que, si un jour ils cherchent un acteur… Le quotidien, c’est aussi l’attente: «Cette instabilité permanente est angoissante et peut devenir déprimante, reconnaît Olivier Havran. Il faut lâcher prise… Parfois, tu n’as rien pendant un mois, puis tout à coup, tu as deux ou trois projets et tu dois choisir.»

Ces dernières années Olivier Havran a joué en moyenne dans trois spectacles par saison, «ce qui est déjà pas mal. Là, j’en aurai peut-être six jusqu’en 2017.» En général, chacun prend deux mois. Ce qui ne signifie pas qu’il reste inactif entre-temps. Il faut par exemple apprendre les textes: les répétitions, chez les professionnels, commencent avec le texte su, mais ce travail n’est pas comptabilisé dans les contrats.

Je lis des textes à haute voix, chaque jour, et j’apprends des poèmes pour entraîner la mémoire.

De plus, Olivier Havran fait ses gammes: «Je lis des textes à haute voix, chaque jour, et j’apprends des poèmes pour entraîner la mémoire.» Il retravaille aussi d’anciens rôles, comme le monologue de Jean Giono, L’homme qui plantait des arbres, créé au dernier festival Altitudes, qu’il garde en tête et en bouche, pour pouvoir le jouer demain, s’il y a une demande.

Comme la majorité des comédiens de Suisse romande, Olivier Havran connaît aussi le chômage et les emplois qui permettent des gains intermédiaires. A la Haute Ecole de santé ou au CHUV, il devient régulièrement «patient simulé», pour la formation d’infirmiers et de médecins, combinant ses intérêts pour le domaine de la santé et pour la comédie. Avec ses différents revenus, ce père d’un enfant (bientôt d’un deuxième) estime «tourner avec 3800 francs net par mois. Ce qui est possible aussi grâce à mon amie, qui travaille également.»

Dix ans après sa sortie de l’école, Olivier Havran relève que seuls deux des huit acteurs de sa volée jouent régulièrement. «Ce métier est un chemin de vie», estime-t-il. Et en tout cas pas une recherche de gloriole «S’il y a carrière, c’est dans le sens où tu casses des cailloux… Plus que de gagner de l’argent, l’important reste de raconter des histoires. Un jour, après une représentation de L’homme qui plantait des arbres, quelqu’un m’a dit: “Vous êtes comme ce personnage, vous plantez des graines d’espoir.” Ce jour-là, j’ai vraiment su pourquoi je fais ce métier.»

 

Grégoire Quartier, musicien:
«Dans mon domaine, je dois tout inventer»

quartierGrégoire Quartier est le batteur de Cortez, groupe de hardcore à l’audience planétaire, et de Primasch, le projet punk-tsigane du violoniste Jean-Christophe Gawrysiak. «En Suisse, le statut d’artiste de musiques actuelles n’existe pas. Ce métier n’est pas assez reconnu ici. Je ne fais pas le même job que Bastian Baker. C’est difficile d’expliquer à des gens extérieurs à ce monde pourquoi on ne peut pas comparer ces deux façons de faire de la musique.»

Durant plusieurs années, Grégoire Quartier a travaillé comme musicien de concert pour divers groupes. «J’ai joué n’importe où, dans n’importe quelles conditions. J’ai fait des tournées aux Etats-Unis en étant payé 800 francs pour trois semaines.» Juste de quoi survivre, mais plus avec un foyer et deux enfants. «En Suisse, les cachets sont dérisoires dans le monde du rock underground: 100 francs par musicien, quand tout va bien. Certains réseaux français, paient mieux les groupes que ce que je peux toucher ici avec la même musique.»

Du coup, depuis quelques mois, le Bullois installé à Vuadens a décidé de se consacrer entièrement à ses projets. «Je n’offre plus mon travail de professionnel à des tarifs amateur. J’essaie de ne faire aucune concession sur ma musique et je ne me pose pas la question de savoir si elle va plaire ou non. Je me donne cinq ans. Je me suis toujours dit que je réussirai. Dans mon domaine, je dois tout inventer. Mais je suis persuadé que les vrais iront jusqu’au bout.»

Je suis le premier sponsor de mes projets. Mon temps, c’est mes fonds propres.

Cinq ans d’un quotidien où s’entremêlent composition avec son complice installé à Singapour, concerts avec ses groupes, préparation des dossiers de subventionnement, travail de conseil et de booking pour d’autres musiciens et quelques heures de cours de batterie. «Aujourd’hui, je me bats pour le droit d’avoir une famille et de faire la musique que je veux.» Et pourquoi pas retourner un jour à l’enseignement, son premier métier, qu’il pratique ces temps au gré de remplacements. «Je professionnalise de plus en plus ma structure, j’augmente mes exigences, envers moi-même et envers mes collaborateurs. Je suis un entrepreneur en musiques actuelles. Je suis le premier sponsor de mes projets. Mon temps, c’est mes fonds propres. Avant j’étais un coordinateur. Maintenant, je suis davantage un patron.»

Un patron qui se fait parfois reprocher d’être «trop sérieux» lorsqu’il demande des budgets importants. «La commune de Vuadens ne m’aide pas. Il manque une caisse intercommunale, un pot commun. Je rencontre peu de subventionneurs qui comprennent vraiment de quoi je parle. En plus, chaque canton, chaque ville, chaque fondation, demande des dossiers différents…»

 

Guy Oberson, peintre:
«Je deviens de plus en plus exigeant»

obersonGuy Oberson est l’un des rares artistes fribourgeois à vivre de sa peinture. Depuis une quinzaine d’années, il multiplie les expositions, comme ce printemps au Musée d’art et d’histoire à Fribourg, à Arles en France et à la Villa Merkel en Allemagne. Soit plus de 120 toiles exposées. «Je gagne plus de la moitié de mes revenus avec la vente de mes œuvres, explique-t-il. Ces derniers temps, j’ai été engagé pour plusieurs performances qui m’ont rapporté des petits revenus. Et je donne encore des cours dans mon atelier.»

Parents pauvres de la subvention publique, les arts visuels incitent leurs créateurs à chercher d’autres solutions. «Le canton de Fribourg n’a pas beaucoup de moyens et il doit faire avec ce qu’il a. De mon côté, j’estime avoir été bien traité.» Guy Oberson a en effet bénéficié, en 2011, de l’atelier mis à disposition par le canton à Berlin. «Cette résidence a transformé mon attitude artistique. J’encourage les artistes à y postuler. Voir ailleurs est ce qui manque le plus aux artistes d’ici.»

Guy Oberson s’est tourné vers l’étranger à la fin des années 1990, lorsqu’il est «monté» à Paris avec son cartable à dessins sous le bras. «Je vois trois catégories d’artistes: ceux qui ont un rayonnement régional, ceux qui font partie d’un réseau d’artistes internationaux et ceux qui sont entrés dans le marché de la spéculation. J’apprécie d’être dans le deuxième cercle.»

Il manque une passerelle vers l’extérieur. Le dynamisme culturel n’est pas suffisant ici.

Dans son lumineux atelier de Lentigny, Guy Oberson passe le plus clair de son temps à peindre. «Je travaille également devant l’ordinateur, pour faire du mailing ou pour préparer mes publications. Finalement, ça représente davantage qu’un 100%.»

Depuis plusieurs années, le peintre travaille en étroite collaboration avec la Galerie C à Neuchâtel. «Elle me soulage de tous les aspects administratifs. Elle s’occupe des expositions, du transport des toiles, elle me représente lors d’événements, comme la Foire internationale du dessin de Paris.» Beaucoup de peintres fribourgeois ne comprennent pas que Guy Oberson soit sous contrat avec une galerie. «Ils sont très frileux. S’ils savaient comme j’en profite! Les galeristes ne volent pas leurs pourcentages. Il faut changer de mentalité et entrer dans un processus professionnel.»

Selon lui, l’aide cantonale est adaptée aux artistes régionaux. «Mais il manque une passerelle vers l’extérieur. Le dynamisme culturel n’est pas suffisant ici. En allant à l’étranger, mon but n’était pas d’être connu ailleurs, mais de me confronter à d’autres personnes, à vivre des interactions avec d’autres artistes. Aujourd’hui, je suis de plus en plus exigeant avec mon travail. Je combats chaque jour l’imperfection. Mon but est que chacune des toiles que je peins puisse être accrochée au MoMA, même si elle ne le sera jamais.»

 

 

Posté le par admin dans Beaux-Arts, Musique Déposer votre commentaire

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