Sorj Chalandon, mon père, ce barjo

profession-du-pere-653527Ancien grand reporter à Libération, aujourd’hui journaliste au Canard enchaîné, Sorj Chalandon signe depuis quelques années des romans intimes et puissants. L’extraordinaire diptyque Mon traître (2008) – Retour à Killybegs (2011) revenait par exemple sur son amitié trahie avec un héros de la lutte pour l’indépendance irlandaise. Avec Profession du père, il va encore plus loin dans son histoire personnelle: par le biais de la fiction, c’est bien sa propre enfance qu’il revisite, à travers en particulier une figure paternelle odieuse, détraquée et pathétique.

Le père du narrateur a été parachutiste, footballeur, fondateur des Compagnons de la chanson, agent secret, pasteur, conseiller personnel de De Gaulle… Dans son délire, ce drôle de père entraîne son jeune fils, persuadé d’intégrer l’OAS et d’entrer dans un complot qui vise à éliminer De Gaulle. Une mythomanie qui prêterait à sourire s’il n’y avait les coups, la terreur que fait régner ce tyran. C’est une des forces du livre, cet équilibre entre l’amusement devant un personnage aussi loufoque et la frayeur constante face à ses réactions imprévisibles.

De cet homme manifestement atteint dans sa santé psychique, de cette relation familiale impossible, Sorj Chalandon tire un livre profondément émouvant. Malgré la violence, on ne parvient pas à détester ce père mythomane, que l’on finit par prendre en pitié. A l’image du narrateur: «Je serais malheureux. Tout chagrin de lui. Et je m’en voudrais tellement de toujours l’aimer.»

Par Eric Bulliard
Sorj Chalandon, Profession du père, Grasset, 320 pages

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