Marilyn Manson: le clown blafard a repris des couleurs

Après avoir terrifié les bien-pensants durant les années 1990 avec son rock industriel, Marilyn Manson est peu à peu rentré dans le rang. Autoproclamé «antéchrist» et «grotesque», l’Américain de 46 ans signe un magistral retour, hanté par le blues.marilyn

par Christophe Dutoit

Il paraît que quelque chose a changé dans la vie de Brian Warner. Depuis plusieurs mois, l’homme qui se transforme en Marilyn Manson à la nuit tombée se serait en effet mis à se réveiller… avant midi. C’est peut-être un détail pour vous, mais, pour lui, ça veut dire une liberté reprise à la schizophrénie, une nouvelle distance avec son double grandiloquent créé il y a plus de vingt-cinq ans. Explications.

En pleine crise de la quarantaine, Brian Warner aurait pu s’offrir une Harley et tailler la Route 66. Comme tout le monde. Mais ce n’était sans doute pas assez rock’n’roll pour lui. L’homme de 46 ans a préféré jouer un rôle dans la série de bikers Sons of anarchy… (ce qui explique en partie ce nouveau rythme diurne). Surtout, sur le tournage d’une autre série télé – Californication – il rencontre Tyler Bates, compositeur de musiques pour séries télé et jeux vidéo, avec qui le courant passe comme un électrochoc. «En studio, je n’avais pas besoin de jouer à être Marilyn Manson avec lui», affirme le chanteur. Bingo.

Derrière son masque d’épouvantail se cache en effet un homme lettré, jadis journaliste et jamais à court de références.

En Bates, Brian Warner trouve à la fois son alter ego et son antithèse. Très vite, ce père de famille assagi l’initie au blues et le tandem écrit en neuf mois une dizaine de titres rédempteurs, qui forment The pale emperor, en référence à Héliogabale ou l’anarchiste couronné, le livre d’Antonin Artaud offert par son pote Johnny Depp.

Bible et mythologie
Derrière son masque d’épouvantail se cache en effet un homme lettré, jadis journaliste et jamais à court de références. Il cite aussi bien la mythologie grecque (Zeus et Narcisse) que des réminiscences bibliques (Lazare). Pas anodin pour un type qui terrorise les chrétiens et les bien-pensants depuis huit albums.

Dès les premiers beats de Killing strangers, l’autoproclamé «Méphistophélès de Los Angeles» remet tout le monde d’accord.

Trop sirupeux pour les métalleux, trop guignol pour les gothiques, trop convenu pour des fans de musique industrielle, Marilyn Manson avait fini par lasser son auditoire. Mais, dès les premiers beats de Killing strangers, l’autoproclamé «Méphistophélès de Los Angeles» remet tout le monde d’accord. Hantée comme rarement, sa voix s’éraille et s’écorche à nouveau. Tandis que les guitares tissent des ambiances lourdes et caverneuses. Enfin.

Grâce à Tyler Bates – qui l’accompagnera en tournée – le clown blafard a repris des couleurs. A l’image de Deep six et ses riffs entêtants ou du tube en puissance Third day of a seven day binge, sans doute le titre le plus efficace de Marilyn Manson depuis une décennie.

Beaucoup plus incarné
Avec des accents parfois aussi incantatoires que Nick Cave (Odds of even), Brian Warner prend, avec cet album, une nouvelle dimension, peut-être moins axée sur la provocation (et la presse people), mais beaucoup plus incarnée. Il ne restera bientôt plus qu’une dernière étape: tomber définitivement le masque.

Marilyn Manson
The pale emperor
PIAS.

En concert le 3 juin au Caribana Festival

 

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