L’HFR, une entreprise, ses chefs, ses rituels

Lauréat de la 9e Enquête photographique fribourgeoise, Marc Renaud s’est intéressé à l’Hôpital fribourgeois, à l’heure des importantes mutations qu’il a récemment vécues.

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 par Christophe Dutoit

Dans l’exposition Dossier hospitalier consacrée à l’Hôpital fribourgeois (HFR), vernie mercredi soir à Fribourg, point de maladies, guère plus de guérisons. Les patients sont rares. La mort et la vie y semblent des témoins absents, relégués derrière les visages fatigués de médecins en colloques, d’infirmières en veilles, d’aides soignantes en colères.

Lauréat de la 9e Enquête photographique fribourgeoise, Marc Renaud n’a pas voulu regarder l’hôpital sous ses aspects médicaux. Mais à travers le filtre de l’entreprise, de sa hiérarchie, de ses rituels, de sa culture d’entreprise. Auparavant, le Lausannois installé à Saint-Blaise avait déjà réalisé des séries sur le monde du travail, notamment sur les temps de pause des ouvriers. «Tout le monde a déjà en tête des images de l’hôpital, insiste le photographe. Je voulais proposer autre chose.» Du coup, il résume la fermeture de la maternité de Riaz à trois images, dont cette phrase écrite au feutre de couleur sur un tableau blanc: «Je nous souhaite une bonne dernière journée… Vive nous!»

Consentements écrits
L’essentiel de son travail montre des séances du conseil d’administration, des rencontres entre les divers directeurs, des colloques de médecins. L’envers du décor, en quelque sorte. Les gens font invariablement grise mine. «Sur vos images, le personnel hospitalier semble malheureux?» ose-t-on, mardi lors de la rencontre de presse. «Non, non, ils sont fatigués…» répond le photographe, qui a dépensé beaucoup d’énergie à faire signer quelque 437 consentements écrits aux personnes qu’il a photographiées durant une année (contre une petite centaine de refus). Condition sine qua non pour obtenir l’autorisation de prendre des images à l’intérieur des hôpitaux, sous le regard d’un «accompagnateur» qui l’a invariablement escorté.

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En contrepartie, le photographe a obtenu que l’HFR n’ait aucun droit de regard sur son choix final. Ce qui n’a pas dû poser de problème si l’on considère le peu d’audace de ses prises de vue. En effet, que racontent ces visages ternes lors des grandes visites? Que disent ces portraits de gens attablés, acteurs passifs de rencontres entre la direction et les collaborateurs? Que les gens discutent passablement, que le spectateur ne comprend pas de quoi ils parlent, que le personnel de l’hôpital doit se sentir bien dépassé par ces palabres…

Fanfare de circonstance
Finalement, on ressort très frustré de l’exposition et encore davantage de la difficile lecture du catalogue, confié aux bons soins de l’agence de graphisme morgienne IDPure, qui s’est efforcée de rendre la mise en page confuse et bientôt datée.
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Surtout, on se dit que Marc Renaud a photographié le monde de l’hôpital comme il l’aurait fait pour n’importe quelle autre entreprise, fussent-elles une banque, une imprimerie ou une assurance. Seules une poignée de photos de pur reportage sortent du lot: celles du Noël des patients à l’Hôpital cantonal, qui voit une fanfare de circonstance jouer devant un sapin lugubre, ou celle du service de chirurgie de l’hôpital de Tavel, qui montre une infirmière en train de badigeonner une jambe de désinfectant rouge sang.

Sinon, il ne faut pas regarder ce Dossier hospitalier comme une enquête documentaire sur le monde des soignants et des patients. Ni d’ailleurs sur le fonctionnement d’un hôpital au XXIe siècle. Mais plutôt comme le constat du peu d’emprise qu’ont finalement les employés sur leur entreprise.

Fribourg, Bibliothèque cantonale et universitaire, jusqu’au 28 février 2015

Marc Renaud
Dossier hospitalier
coéditions BCU Fribourg/IDPure

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