Damien Rice au sommet de son art

riceIl doit exister en Irlande une terre fertile pour les songwriters. Dans un pub de Galway où la Hooker coule à flots ou le long des rives du Shannon, il semble que l’atmosphère soit propice à l’évocation du spleen, à effleurer les si tendres beautés de la tristesse, à se raconter ses cabosses sur des musiques larmoyantes. Depuis des décennies, de nombreux compositeurs mélancoliques s’érigent en contrepoint de la chaleur légendaire de l’Irlande, de ses chansons paillardes jouées sur des airs de flûte et d’accordéon. On se souvient la larme à l’œil de Luka Bloom, on est envoûté par les charmes de James Vincent McMorrow et on succombe carrément au dernier album de Damien Rice, My favourite faded fantasy.

Pour son troisième disque en douze ans, le paddy de Kildare signe un chef-d’œuvre imparable. A commencer par It take a lot to know a man, une chanson de dix minutes qui évoque des sentiments d’abandon («qu’as-tu si peur de perdre?»), des amours en perte de vitesse, prêtes à se rompre, sur un doux maelström de violons et de piano.

La magie de Rick Rubin
Evidemment, le chanteur évoque en filigrane sa relation avec Lisa Hannigan, sa partenaire de longue date, sa muse, son alter ego, qui a quitté sa vie et son groupe lors de sa dernière tournée. D’un point de vue musical, ce départ s’avère plutôt bénéfique. En effet, l’univers poétique de Damien Rice s’est ainsi concentré autour de sa voix si prenante et des arrangements foisonnants confiés à la baguette magique de Rick Rubin, le producteur légendaire de Slayer et de Johnny Cash.

A la guitare acoustique ou au piano, Damien Rice ne se focalise pas seulement sur l’écriture de magnifiques chansons d’amour à la simplicité déroutante (Colour me in). Au contraire, il les enrobe d’instrumentations riches et complexes (I don’t want to change you), sans les rendre indigestes. Surtout grâce à la rondeur de sa voix et à son art subtil de ne jamais tomber dans une simplicité orientée pop. Mais, paradoxalement, sans non plus en faire trop. La marque des chefs-d’œuvre…

par Christophe Dutoit

Damien Rice
My favourite faded fantasy
Warner

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