Echos de la rentrée littéraire

Avec 607 romans à paraître en deux mois, le menu est une nouvelle fois gargantuesque. En attendant de découvrir la perle dont personne ne parle, premier tour d’horizon des ouvrages qui vont marquer cette rentrée littéraire.emmanuelcarrere

par Eric bulliard

Chaque année, Livres Hebdo tient scrupuleusement les comptes. Pour les deux mois à venir, le magazine professionnel annonce la sortie de 607 romans. Le Monde a fait le calcul: pour absorber entièrement cette rentrée littéraire, le lecteur français moyen, au rythme qui est le sien aujourd’hui, aura besoin de 14780 jours. Soit quarante ans…

On peut se décourager devant cette inflation, choisir de ne retenir que nos auteurs favoris ou fouiner, chercher, espérer la pépite inattendue. Ou encore se fier aux premières indications et tendances que les spécialistes alimentent depuis quelques semaines.

Les rumeurs flatteuses
A peine débarqués chez les libraires que les voici couverts de louanges: comme chaque année, des consensus commencent à se former autour de quelques livres très attendus. Première vedette de l’automne littéraire, Emmanuel Carrère (Limonov, D’autres vies que la mienne…) a emballé les critiques qui ont déjà pu se plonger dans Le Royaume (P.O.L.), imposante histoire des débuts du christianisme.

Dans un genre moins érudit, plus sur le fil de l’émotion, Olivier Adam propose Peine perdue (Flammarion): peut-être que les jurys des grands prix littéraires seront plus sensibles à ce puzzle de 22 narrateurs, eux qui ont snobé Les lisières en 2012. Le nouveau Eric Reinhardt, L’amour et les forêts (Gallimard), se voit lui aussi précédé d’une flatteuse rumeur, trois ans après l’excellent Système Victoria.lydiesalvayre

Observateur impitoyable de notre société (Ils désertent, 2012) Thierry Beinstingel s’est intéressé à un village qui vote Front national (Faux nègres, Fayard). Après l’incroyable succès de La liste de mes envies (2012), Grégoire Delacourt signe On ne voyait que le bonheur (J.-C. Lattès), qui compte déjà ses thuriféraires.

Le genre bio a la cote
Depuis quelques années, la tendance ne cesse de s’affirmer: les romanciers aiment se pencher sur les vies de personnages célèbres. Frédéric Beigbeder, jamais en retard d’une mode, évoque ainsi la brève histoire d’amour entre J.D. Salinger, futur auteur de L’attrape-cœurs, et Oona O’Neill, future Madame Chaplin (Oona et Salinger, Grasset).

David Foenkinos (La délicatesse) quitte son genre doux-amer habituel pour évoquer le destin de Charlotte Salomon, jeune artiste morte à Auschwitz (Charlotte, Gallimard). Dans Pas pleurer, Lydie Salvayre évoque Bernanos, alors que Patrick Deville (prix Femina 2012 avec Peste et choléra) mêle les trajectoires de Trotsky et de Malcolm Lowry, dans Viva (Seuil).

A signaler également, parmi tant d’autres, Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive de Christophe Donner (Grasset), qui évoque le milieu du ciné­ma français, en tournant autour des figures de Jean-Pierre Rassam, Claude Berri et Maurice Pialat. Ou encore le retour sur les dernières années de Buffalo Bill, par Eric Vuillard (Tristesse de la terre, Actes Sud).

De la littérature avant toute chose
Tout en participant à ce raout médiatique, nombre d’auteurs présents cet automne poursuivent une œuvre littéraire digne et forte, loin des modes. Pascal Quignard, par exemple, publie Mourir de penser (Grasset). Auteur, entre autres, d’un fabuleux Des hommes en 2009, Laurent Mauvignier revient sur l’horreur de Fukushima (Autour du mon­de, Minuit).

Patrick Modiano sera également de cette rentrée avec Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier (Gallimard), tout comme Olivier Rolin (Le météorologue, Seuil) et Philippe Djian (Chéri-chéri, Gallimard), qui fera en outre l’objet d’une biographie (En marges, Le Castor Astral).jamessalter

Les stars mondiales
Parmi les auteurs étrangers, James Salter apparaît comme la première vedette de la rentrée. A 89 ans, ce vétéran de la guerre de Corée, devenu un des plus grands romanciers américains contemporains, revient avec Et rien d’autre (L’Olivier), dix ans après les nouvelles de Bangkok. Il sera forcément aussi beaucoup question de la star Haruki Murakami (L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage, Belfond) et du mystérieux Thomas Pynchon (Fonds perdus, Seuil), qui refuse tout contact avec les médias depuis plus de quarante ans.

C’est un signe: quand ses chapeaux moches ressortent, l’automne frappe à nos portes…

Révélée en 2006 par Il faut qu’on parle de Kevin, Lionel Shriver devrait aussi faire parler d’elle avec Big Brother (Belfond). Prix Nobel de littérature 2013, la novelliste canadienne Alice Munro publiera Rien que la vie (L’Olivier). A noter également que Gallimard sortira un roman posthume d’Antonio Tabucchi (Pour Isabel). Et puis, inévitablement, on va revoir partout le phénomène Amélie Nothomb qui, avec Pétronille (Albin Michel), participe à sa 23e rentrée littéraire. C’est d’ailleurs un signe: quand ses chapeaux moches ressortent, l’automne frappe à nos portes…

 

 

 

 

Posté le par admin dans Littérature Déposer votre commentaire

Ajouter un commentaire