Jack White ressuscite l’Amérique du blues rock

Deux ans après un excellent premier album solo, Jack White sort cette semaine Lazaretto, un condensé de musiques américaines, triturées, maltraitées, dépoussiérées. En un mot, ressuscitées.white

par Christophe Dutoit

Comme à chaque nouvel album de Jack White, il faut dépasser la déception de la première écou­te. Ne pas espérer non plus y trouver un petit frère à Seven nation army, tube planétaire qui a signé l’entrée du rock dans le XXIe siècle. Et qui marque – depuis le sacre de l’Italie à la Cou­pe du monde de 2006 – chaque victoire importante, au même titre que We are the champions de Queen.

Onze ans après avoir posé cette pierre essentielle à l’histoire de la musique, l’ancien chanteur des White Stripes publie, cette semaine, son second album en son nom propre. Un disque qui suit de deux ans Blunderbuss, un premier brûlot en solitaire unanimement salué par la critique. La double parenthèse avec The Raconteurs et The Dead Weather est ainsi formellement close.

Jack White fait figure de Tarantino du rock, de sale gosse génial qui triture, qui maltraite, qui dépoussière les codes pour en extraire la substance primale.

Dès son deuxième passage sur la platine, Lazaretto libère toute sa magie. D’emblée, l’Américain de 39 ans rappelle qu’il est bien passé maître du blues rock crasseux. «I got three women / red, blonde and brunette», chante-t-il sur le titre d’ouverture, une de ces complaintes que l’on croirait tout droit sortie du bayou. Moins minimaliste que jadis, moins centré sur son jeu de guitare, Jack White n’hésite plus à orchestrer ses compositions avec des contrepoints d’orgue, de pedal steel ou de mandoline, dans la plus pure tradition étasunienne.

Energie créatrice
La suite est à l’unisson. A chaque titre, Jack White fait œuvre de gourou et libère l’énergie créatrice de ses musiciens. En effet, la plupart des onze titres ont été enregistrés avec son groupe de tournée, durant des jours de repos. «Dès qu’on a commencé à jouer ensemble et à répéter les morceaux, des nouvelles idées sont apparues. Il fallait les capter dans l’urgence, pour conserver cette émotion», raconte le musicien établi depuis quelques années à Nashville.

Avec des titres comme Temporary ground ou Want and able, Jack White poursuit l’exploration approfondie de ses racines et, par là même, des fondements de la musique américaine. On y entend des chœurs empruntés au gospel, des violons farouches importés de la country ou des accords de piano qui font écho aux plus belles ballades du répertoire.

A moins de quarante ans, Jack White fait figure de Tarantino du rock, de sale gosse génial qui triture, qui maltraite, qui dépoussière les codes pour en extraire la substance primale: une musique hautement jouissive, ultraréférencée, et parfaitement en phase avec l’Amérique actuelle. Cette hardiesse adolescente, Jack White l’a également retrouvée au niveau de ses textes. En effet, le natif de Detroit a exhu­mé un cahier de notes datant de ses 19 ans, des bribes de textes qu’il a adaptés à ses chansons les plus récentes. «C’était com­me si je dialoguais avec mon moi de vingt ans plus jeune.»

Lazaretto tourne pour la troisième fois. Plus aucun doute, cet album est l’une des meilleures surprises du printemps…

Jack White
Lazaretto

Third Man Records/Musikvertrieb

notre avis: 3/4

 

Un vinyle truffé de bonus

Millionnaire grâce à Seven nation army, Jack White aurait pu se contenter d’une paisible retraite. Ce serait mal connaître cet hyperactif qui a préféré ouvrir Third Man Record – un complexe studio-boutique-salle de concert à Nashville – dans lequel Neil Young vient notamment d’enregistrer son nouvel album A letter home. Toujours en équilibre entre le respect de la tradition et l’amour de l’expérimentation, il publie Lazaretto également sous la forme d’un «ultra LP».

Un disque vinyle 33 tours truffé de bonus: deux titres sont cachés sous l’étiquette centrale, dont l’un se lit en 78 tours et l’autre en 45 tours. La face A s’écoute du centre vers l’extérieur, alors que, sur la face B, l’introduction de Just one drink est soit électrique soit acoustique selon le sillon sur lequel est posée l’aiguille (les deux sillons se rejoignent pour la suite de la chanson). Les deux faces, l’une brillante, l’autre mate, se terminent chacune sur des boucles sans fin. Ultime folie, un hologramme de l’artiste Tristan Duke apparaît au centre du vinyle lorsqu’il tourne. Entre tradition et expérimentation, disait-on…

 

Posté le par admin dans Anglo-saxon, Musique Déposer votre commentaire

Ajouter un commentaire