Sandro Godel célèbre ses trente ans de peinture

Etabli à Domdidier, Sandro Godel fête ses trente ans de création artistique au Musée d’art et d’histoire de Fribourg.godelb

 par Christophe Dutoit

«Après Caravage et Rembrandt, je n’ai plus qu’à me taire et peindre.» Et peindre, Sandro Godel s’y adonne depuis une trentaine d’années. Dès ce jeudi soir, ses trois décennies consacrées à l’art seront fêtées au Musée d’art et d’histoire de Fribourg (MAHF) le temps d’une rétrospective.

Menuisier ébéniste de formation, le Fribourgeois découvre la peinture en 1984, alors qu’il purge une peine de six mois de prison pour objection de conscience. «Ce fut une sorte de voyage initiatique», avoue-t-il aujourd’hui. Un voyage intérieur, notamment à la découverte de la pensée zen. Et une première rupture avec son passé. Trois ans plus tard, le jeune homme abandonne la restauration de meubles et se plonge à corps perdu dans la création artistique.

Le trait, issu de la morsure de l’acide sur la plaque de cuivre, erre en liberté sur le papier, dans une abstraction formelle déjà très présente.

Dans deux salles borgnes au sous-sol du MAHF, Sandro Godel retrace à la fois son parcours atypique et il dévoile des œuvres récentes. La visite débute avec des encres de Chine sur papier tout en verticalité (1990), des dessins de jeunesse qui lui ont ouvert les portes de l’Atelier Jean Tinguely à Paris.

Durant cette année de résidence (1994-1995), il expérimente la superposition de l’estampe sur des fonds peints, dans des tonalités sépia ou brou de noix. Le trait, issu de la morsure de l’acide sur la plaque de cuivre, erre en liberté sur le papier, dans une abstraction formelle déjà très présente.godelc

Dix ans plus tard, le Staviacois de 53 ans repart pour un nouveau séjour hors des frontières, à Berlin cette fois-ci. Dans l’atelier du canton de Fribourg, il travaille l’héliogravure, ce procédé d’impression photographique perfectionné dans l’atelier de Saint-Prex.

Murs à l’encre de Chine
Avec cette technique centenaire, il détourne les images carrées de son Mamiya et multiplie les épreuves, parfois sans effet, parfois dans un camaïeu de sanguine, parfois encore jusqu’à perdre presque la photographie originale. En parallèle à cette quête, il peint des «murs» toujours à l’encre de Chine mêlée de pigments, des abstractions où se superposent de multiples couches à la limite de la transparence. Souvent en grand format, Sandro Godel marche sur les pas des maîtres fribourgeois de la non-figuration (Bruno Baeriswyl, Jean-Marc Schwaller, Ivo Vonlanthen…), à l’exemple de ses travaux réalisés à Tokyo en 2006, grâce à une bourse de la Confédération.

Toujours très monochrome et toujours très éthérée, sa peinture se veut alors délicate et fragile, à l’image des paravents japonais qui l’ont inspiré. Dans ce va-et-vient constant entre figuration et abstraction, Sandro Godel a sans doute réalisé sa série la plus aboutie lors de son voyage à New York en 2008, dans l’atelier Red House mis à disposition par le canton de Fribourg. «Je peignais la nuit. Je déversais mon trop-plein d’émotions de la journée.»

Cahiers dessinés sur le vif
Sur des pages de vieux livres achetés 1$ dans la rue, il dessine de mémoire des portraits de gens croisés dans la rue, ici un dealer black, là une vieille dame qui a participé à l’élaboration de la première bombe atomique américaine, le fameux projet Manhattan… Dans son repaire du lower east side, il exécute aussi ses «cahiers dessinés sur le vif» à même le Brooklyn Rail, le mensuel consacré à l’art, imprimé sur papier journal.

Exposée telle un patchwork d’impressions, cette collection de visages, de mains et de fesses livre un portrait en creux assez sombre et morbide de notre époque. «La tragédie, c’est vivant, explique l’artiste autodidacte. C’est important d’être dans le présent, de capter ce que je ressens sur l’instant. J’aime le clair-obscur. Goya, c’est noir, mais qu’est-ce que c’est vivant!» Dans la seconde salle, le peintre accroche ses récentes huiles non figuratives en grand format. «Je peins la nuit. J’y vois une lumière intime que je ne trouve pas la journée.» Sur ses toiles très mates, il marque au pinceau extralarge des traces de peinture, «peut-être des détails de plus grandes peintures…»

Je suis un radar. Je recherche sans cesse ce qui va me nourrir pour les années à venir.

Une fois n’est pas coutume, Godel utilise une large palette de couleurs, des bleus qui se dégradent vers les gris, des rouges et des jaunes, toujours un peu ternes. «Je suis un radar. Je recherche sans cesse ce qui va me nourrir pour les années à venir», affirme-t-il, lui qui voit dans cette exposition un effet «libératoire, de mon passé, de ma famille»…

Dessiner les mains au Caire
Après avoir séjourné à Paris, Berlin, Tokyo et New York, Sandro Godel prépare un dossier pour viser une résidence au Caire, dans l’espace mis à disposition par la Conférence des villes en matière culturelle. «J’aimerais dessiner des mains.» Puis, il lui restera encore à postuler pour les ateliers de Gênes, Buenos Aires ou Bénarès…

Fribourg, Musée d’art et d’histoire, vernissage ce jeudi, 18 h 30, ma-di 11 h -18 h, je 11 h – 20 h. Visite guidée avec l’artiste, 5 et 12 juin, 18 h 30. Infos: www.mahf.ch

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