«On the road again», toujours plus à l’Ouest

Trois comédiens de la 2b Company sont partis à la découverte de la Route 66. Ils en ont tiré Western dramedies, qu’ils jouent à Fribourg.western

par Eric Bulliard

Pas tout à fait une comédie, mais si, quand même. Et aussi un drame. Pas à la suite, en même temps: va donc pour «dramedies». Et pour Western dramedies, puisqu’il est question de l’Ouest, du Far West, celui qui fait rêver, celui des légendes qu’il est bon de confronter à la réalité. Celui que le collectif formé de François Gremaud, Michèle Gurtner et Tiphanie Bovay-Klameth, membres de la 2b Company, sont partis explorer et qu’ils présentent au Nouveau Monde, à Fribourg.

Créé à L’Arsenic, à Lausanne, il y a deux semaines, Western dramedies est né d’une envie d’ailleurs. «Même si nous ne faisons jamais deux fois la même chose au sein du collectif, nous avons souhaité du changement, pour nous aérer l’esprit», raconte François Gremaud, comédien et metteur en scène fribourgeois, installé à Lausanne. Après avoir pensé à une résidence au bord de la mer du Nord, l’idée de tailler la route s’installe peu à peu. «Alors que le déplacement n’est pas du tout l’endroit du théâtre.»

Qui dit route dit rapidement Route 66, avec son imagerie, sa mythologie, ses grands espaces, Easy rider, Paris, Texas, Thelma et Louise…

Qui dit route dit rapidement Route 66, avec son imagerie, sa mythologie, ses grands espaces, Easy rider, Paris, Texas, Thelma et Louise… «Ça nous a fait envie, en sachant que cette route est en grande partie abandonnée. Nous voulions voir ce que donnait le fait de nous confronter à nos clichés.»

En mars 2013, les trois comédiens ont donc mis le cap vers l’Ouest, pour deux semaines et demie de rencontres, de découvertes et de travail, entre Los Angeles et Oklahoma City. En suivant la méthode qu’a mise au point ce drôle de collectif, à base d’improvisations filmées. Sauf que, cette fois-ci, elles étaient réalisées dans le désert et les motels.

Choc des cultures
«Nous avons filmé beaucoup d’impros, de petites danses. Ensuite, on laissait reposer et on regardait le tout, avant de reprendre le travail. Peu à peu, des personnages sont sortis, nés de nos rencontres.» François Gremaud le reconnaît: tous trois ont été «hallucinés» par les gens croisés sur place.

Si les vidéos n’apparaissent pas du tout dans le spectacle, on y retrouve ces hommes et ces femmes parfois abîmés par l’existence, mais toujours poussés par un appétit de vie, une envie d’aller de l’avant. Si proches de nous, mais pas tout à fait pareils, en particulier dans leurs comportements les plus simples.

«Nous nous sommes retrouvés dans un endroit étranger, avec des codes que l’on croit connaître parce que nous som-mes imbibés de culture américaine, poursuit François Gremaud. Alors que tout un pan nous échappe, dans les rapports humains, les langages corporels, gestuels…» Au final, le regard n’est jamais moqueur, plutôt tendre, avec toujours ce décalage qui apparaît comme une marque de fabrique de la compagnie.

Ce qui nous apparaît comme des clichés reste pour eux tangible, ancré dans la réalité.

La Route 66 a aussi cette particularité de ne plus être guère fréquentée que par les touristes. Du coup, boutiques et cafés jouent à fond sur son imagerie et sa nostalgie. «Ce qui nous apparaît comme des clichés reste pour eux tangible, ancré dans la réalité.» Tout cet aspect se trouve comme en sourdine dans le spectacle, qui joue plutôt sur le dépouillement: un mobil-home, un éclairage qui rappelle le soleil du désert, quelques accessoires…

A la «Short cuts»
Western dramedies se présente comme une succession de saynètes à la Short cuts, le film choral de Robert Altman. Avec aussi quelques personnages récurrents, notamment un chanteur (ce sera une chanteuse à Fribourg) qui traverse le spectacle.

westernbis

«Ce format nous plaisait, explique François Gremaud. Il correspond aussi à l’écriture typiquement américaine des novels. Et à l’impression morcelée que laisse le voyage.» Autre particularité: la pièce est jouée en anglais, surtitrée dans ses moindres interjections.

«L’anglais nous laissait davantage de liberté. En français, tu essaies très vite de paraître malin et intelligent… Et l’anglais nous permettait de retomber dans la musicalité entendue sur place.» Encore fallait-il travailler chaque mot, chaque accent tonique pour être le plus juste possible et «sortir de l’ornière de la caricature».

Au final, une galerie de personnages aussi drôles que touchants et ce ton singulier que la 2b Company a démontré dans KKQQ, Re, Simone, two three for ou encore My way. Un mélange des genres, une tendance à l’absurde, mais un arrière-fond très travaillé: «On aime donner l’impression que c’est fait n’importe comment, alors que la partition est hyperprécise.»

Fribourg, Nouveau Monde, jeudi 6, vendredi 7 et samedi 8 février, 20 h 30. www.nouveaumonde.ch

 

 

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