Salvatore Adamo, cinquante ans d’une carrière enchantée

Il y a un mois, Salvatore Adamo fêtait ses cinquante ans de scène. Demain vendredi, il passe au CO2 de La Tour-de-Trême, avant d’entrer en studio au printemps 2014.adamob

par Christophe Dutoit

Vous venez de fêter vos cinquante ans de carrière sur la scène du Cirque Royal, à Bruxelles. Racontez-nous ce concert…
C’était un peu particulier, puisque j’avais eu vent qu’il y aurait des surprises. Donc, j’étais sur mes gardes, ce qui a bien sûr augmenté mon trac. Richard Cocciante est venu chanter J’aime, en italien en plus. Je n’étais vraiment pas au parfum. Je m’apprêtais à démarrer ma version à la guitare et… le piano est parti. Un peu plus tard, Bénabar m’a rejoint pour chanter Vous permettez Monsieur. C’était très touchant et amical. J’étais content de ces surprises, puisque d’autres amis sont aussi montés sur scène, dont Michel Drucker, Laurent Gerra, Nikos Aliagas, Frédéric François et l’humoriste belge François Pirette.

Quel regard portez-vous sur ces cinquante années de carrière?
Je ne les ai franchement pas vu passer. Si je n’avais pas quelqu’un qui tenait la comptabilité… C’est le genre d’occasion où on vous rappelle votre âge et vos années de chanson. Pour le moment, j’en suis encore à essayer de me convaincre que je suis passé de l’autre côté du siècle.

Sur scène, on a l’impression que vos chansons prennent encore davantage d’ampleur que sur disque, que vous respirez d’un bonheur assez rare. Quelle est votre recette?
Je suis content que vous me le disiez parce que c’est vrai, surtout pour les dernières chansons. La vie encore, par exemple, a beaucoup plus d’énergie sur scène. C’est vrai que j’en arrive à me dire, lorsque j’enregistre, “mais pourquoi vas-tu aller chercher cette note aussi haute, seul dans le studio”? Quand le public est devant moi, il faut que je me déchire la voix. En studio, j’essaie de la trouver en douceur.

Justement, on a l’impression, depuis quelques années, que vous touchez un nouveau public, plus jeune…
Depuis le nouvel engouement pour les chansons des années soixante, il y a douze ou treize ans, c’est vrai que j’ai vu venir petit à petit des plus jeunes aux concerts. Sans doute que les parents leur avaient transmis les chansons. Et puis, Arno chante depuis longtemps Les filles du bord de mer. Il a aussi contribué à ce que l’on m’écoute d’une autre oreille.

Avant même Le bal des gens bien, l’album des duos, on m’a invité dans des festivals comme les Vieilles Charrues en 2007 ou les Terre-Neuvas en 2008, où je me suis trouvé, figurez-vous, à l’affiche avec les Sex Pistols (rires). J’aime bien cet éclectisme. Je le revendique. On m’a convié dans des lieux où on ne m’invitait pas auparavant. Je dois dire que, là aussi, je n’étais pas certain de mes repères. Quand je chante une nouvelle chanson, en concert «normal», je l’entoure de deux autres titres connus. Au cas où elle ne plairait pas et pour ne pas que l’ambiance tombe. Et là, je me suis dit: «Est-ce que les jeunes vont réagir pareillement face à Tombe la neige ou Mes mains sur tes hanches si jamais ma chanson moins connue ne leur plaît pas? C’est là que j’ai été vraiment surpris. Le public chantait comme’il les connaissait depuis toujours. Ça m’a régénéré. 

La scène est l’espace où j’ai l’impression d’exister le plus depuis quelques années.

Comme Christophe est capable de chanter aussi bien Les marionnettes que ses nouvelles chansons, on a l’impression que vous ne faites pas de différence entre La nuit et La grande roue
C’est vrai. J’ose même des chansons plus ambitieuses. Et, parfois, elles sont même plus applaudies que les anciennes. Les plus récentes sont reçues avec la même adhésion et la même chaleur. Pour le moment, je vis la période où je me sens le plus en adéquation avec le public. Vraiment. Bien sûr, toute une partie a mûri avec moi. Mais j’ai l’impression que les quelques problèmes que j’évoque dans des chansons un peu plus graves, les jeunes y adhèrent aussi dans une sorte de communion. La scène est l’espace où j’ai l’impression d’exister le plus depuis quelques années.

Pour parler de chansons plus revendicatrices, vous avez écrit Inch’Allah en 1966 et elle est toujours d’actualité…
Malheureusement. J’avais écrit une chanson contre le franquisme (Manuel) et, à un moment donné, je ne l’ai plus chantée, parce qu’elle n’était plus aussi utile. J’aurais bien aimé ne plus avoir à chanter Inch’Allah, au moins pendant une période. Et la reprendre après, de temps en temps. Pour le souvenir. Pour que les choses ne se répètent pas… J’ai changé la dernière strophe, pour faire un peu plus allusion à la souffrance… Cette chanson est encore plus lourde à chanter avec les années qui ont vu le conflit perdurer. Mais j’espère encore.

A contrario, vous avez écrit de magnifiques chansons que vous avez très peu interprétées, à l’exemple d’Une chose pareille, reprise par Juliette.
Je suis content que vous en parliez. Je l’ai chantée en public, à la fin des années septante. Mais j’avais une réaction tellement surprise de mon public de l’époque, qui la trouvait incongrue dans ma bouche. Je l’avais chantée au théâtre des Champs-Elysées devant des silhouettes de veuves un peu replètes. Mon public attendait peut-être des chansons plus naïves et plus consensuelles. Juliette en a fait une version qui me bouleverse. Son arrangement et la sobriété qu’elle met à la chanter ajoutent encore au cynisme final.

Prenez-vous connaissance de toutes les reprises que l’on fait de vos chansons?
J’en écoute pas mal. Au Japon, on a posé une plaque commémorative, il y a quelques années, pour la 500e version de Tombe la neige. Mais Sans toi ma mie, mon premier succès, est au moins aussi repris. J’en connais même des versions grunges.

On a l’impression que vous avez une telle facilité à écrire des chansons. Comment trouvez-vous l’inspiration?
Je pense que c’est une question de curiosité et d’intérêt pour la vie. Je m’intéresse au temps que nous vivons avec tous ses chocs, plus rarement ses bonnes nouvelles. J’observe autour de moi et je m’inspire de ma vie privée, même si tout n’est pas autobiographique. J’ai cette empathie avec le monde qui m’aide beaucoup à écrire. J’avais voulu le montrer dans un roman sorti en 2001 (réédité en Italie cette année). Cet été, j’espérais en terminer un second, mais ce sont finalement les chansons qui sont venues. J’en ai écrit une vingtaine et je vais commencer à les maquetter prochainement.

Quel avis avez-vous sur la chanson française actuelle?
J’aime beaucoup la nouvelle chanson française. J’apprécie bien aussi ceux qui m’ont suivi de quelques années, comme Souchon, Cabrel, Julien Clerc. J’aime bien cette filiation avec nos maîtres que sont Brel, Brassens, Ferré, Ferrat et Béart, dont on ne parle pas suffisamment car il a écrit pas mal de chefs-d’œuvre. Mais aussi Bécaud, qu’on a célébré dernièrement, mais qu’on avait un peu oublié. Gainsbourg évidemment. Parmi les jeunes, mes goûts vont de Bénabar à Thomas Dutronc, en passant par Olivia Ruiz ou Raphaël. J’aime beaucoup cette école-là. 

La Tour-de-Trême, CO2, vendredi 6 décembre, 20 h

adamo

 

 

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