A la gloire des méchants

Le journaliste Christophe Quillien propose une sélection des meilleurs méchants de la bande dessinée. Un bel hommage à ceux sans qui les héros n’existeraient pas.gargamel

par Romain Meyer

Olrik, Rastapopoulos, les Rapetou, Gargamel, le Bouffon vert… Une belle brochette de salopards, d’ignobles individus à l’ego démesuré, bref de bons gros méchants. Et, à y penser, presque aussi célèbres que les héros qu’ils mettent en lumière. En effet, que seraient les Blake et Mortimer, Tintin, Picsou, Schtroumpfs et autre Spider-Man sans leur double maléfique? La réponse est simple: rien. A peine quelques falots boy-scouts dont les actes de bravoure se résumeraient à faire traverser mamie dans les clous. Aucun destin formidable, aucune aventure sidérale et, surtout, aucun intérêt.

Christophe Quillien dresse un panorama presque complet de la mauvaise foi, du cynisme, de l’égoïsme et de la cruauté dans le monde des bulles.

Journaliste spécialisé dans le 9e art et auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, Christophe Quillien a tenu à rendre hommage à ces faire-valoir de luxe qui constituent parfois le véritable centre d’intérêt d’une œuvre. Il en a réuni plus de nonante dans un ouvrage au titre explicite: Méchants, crapules et autres vilains de la bande dessinée, avec quatre couvertures disponibles: Olrik, Joe Dalton, Kriss de Valnor et Zorglub. Depuis les incontournables en passant par quelques-uns plus oubliés, voire anecdotiques, il dresse un panorama presque complet de la mauvaise foi, du cynisme, de l’égoïsme et de la cruauté dans le monde des bulles.

Le camp des crapules
Sélection forcément subjective, sans volonté d’encyclopédie ou d’exhaustivité – impossible ambition! – Christophe Quillien visite tant la production européenne, principalement franco-belge, que japonaise ou américaine. Surtout, il se fait plaisir à replonger dans ses lectures de jeunesse, à revivre les batailles éternelles du Bien et du Mal où – faut-il l’avouer? – l’on espère, une fois, la victoire du camp des crapules.

Car il est bien plus facile de se prendre pour l’un d’eux, face à la droiture rigide des héros, ces défenseurs du statu quo et de l’immobilisme mortifère qu’on ne pourra de toute façon jamais égaler. Tandis que, pour les autres, c’est plus simple, il suffit de se laisser aller à ses envies, à ses bassesses, de passer du côté sombre. Et puis le méchant, c’est celui qui aime faire bouger les choses. C’est un facteur de mouvement, d’action, de changement. En son unique faveur le plus souvent, certes.

Etre méchant, ce n’est pas à la portée de n’importe qui. Au contraire, il doit sublimer le héros, le pousser au-delà de ses limites.

Toutefois, comme le relève l’auteur, «être méchant, ce n’est pas à la portée de n’importe qui». Au contraire, il doit sublimer le héros, le pousser au-delà de ses limites. Eternel perdant, toujours relégué dans l’ombre, il est condamné à servir et à disparaître. Une injustice que ce livre vient réparer. Pour parvenir à cette tâche, Christophe Quillien a regroupé sa sélection en six catégories, des génies du mal et savants fous aux sales gamins et indésirables pots de colle. Six archétypes classiques qui permettent de parler de personnages issus d’univers aussi radicalement différent que ceux de XIII – dont le scénariste Jean Van Hamme intervient en début d’ouvrage – de Blueberry, de One Piece ou des Quatre Fantastiques.

Mais où est le Joker?
Si on ne peut qu’approuver les choix réalisés par l’auteur, on regrette une absence de marque, peut-être même le vilain des vilains, le prince du crime, le Joker… De fait, aucun personnage lié à Batman ou Superman n’apparaît. Détails, en comparaison à la sélection foisonnante déjà présentée. On les retrouvera peut-être dans un deuxième tome.

Une chose est sûre, Christophe Quillien démontre que les mots d’Alfred Hitchcock – «plus réussi sera le méchant, plus réussi sera le film» – sont aussi vrais en bande dessinée. Indéniablement. n

Christophe Quillien
Méchants, crapules et autres vilains de la bande dessinée
Huginn & Muninn

notre avis: ♥♥♥ 

L’histoire de la BD en trois vilains

Zorglub (1959)
Faux méchants et vrais fâcheuxzorglub

Zorglub. Un nom ridicule, comme une éructation mal gérée, pour un être sympathique, mégalomane, vaniteux et très maladroit. Zorglub, l’inventeur de la Zorglumobile et de la Zorglonde, qui permet l’asservissement de celui qui y est soumis. Et le force à parler à l’envers… Zorglub, un savant implacable, mais un vilain incapable. Et pas si mauvais au fond. Un simple problème d’ego surdimensionné pour l’élève frustré et capricieux du comte de Champignac. Tous deux sont les créatures de Franquin – et en partie de Greg, le père d’Achille Talon – chargés d’animer les aventures de Spirou et Fantasio.

Zorglub rejoint au panthéon des «plus bêtes que méchants» les insupportables Séraphin Lampion – le baratineur vendeur d’assurances de Tintin – le flic susceptible Longtarin (de Gaston Lagaffe, du même Franquin) ou encore l’ignoble Pat Hibulaire (Mickey). 

Vampirella (1969)
Petites pestes et femme fatalevampirella
Vampirella est une croqueuse d’hommes. Vampire féminin très court vêtu, elle constitue un mélange radical de vie, de sexe et de mort. Contrairement à Dracula, elle ne vient pas de la Terre. Elle s’y est réfugiée et combat les forces du mal. Mais sa soif de sang peut à tout moment la faire basculer. Vampirella est un personnage sexy en diable, née des ruines de la BD d’horreur des années 1950 et de la liberté gagnée durant l’«été de l’amour». Pas toutes mauvaises, les femmes fatales ont la fâcheuse tendance à amener tout un lot d’ennuis aux héros. Certaines ont même des sentiments, comme Sylvidra (Albator), qui ne souhaite que sauver son peuple. Sans parler de Venexiana Stevenson, tueuse professionnelle que Corto Maltese trouvera sur sa route ou à la très dangereuse – et très amoureuse – Kriss de Valnor, le personnage le plus fascinant de la saga Thorgal.

Tetsuo (1982)
Sales gosses et filous loserstetsuo
Quelques années après la Troisième Guerre mondiale. Tetsuo s’amuse en moto avec des amis, lorsque le drame arrive. Il percute un enfant au visage de vieillard, sorti de nulle part et qui y retourne aussitôt. Le jeune homme se fait alors embarquer par des hommes non identifiés, avant de revenir doté de pouvoirs délirants. Avec Akira, Katsuhiro Ôtomo a créé une œuvre rare, forte, à la fois métaphysique et politique. Cette série va d’ailleurs permettre la reconnaissance de la BD nippone en Europe, en 1990. Sans elle, pas de manga sur les rayons des librairies. En parlant de sales gosses et de gros losers, impossible de ne pas mentionner les ancêtres farceurs Pim Pam Poum, le jeune Albert d’Yves Chaland, ou encore le peu recommandable, mais hilarant, Pervers Pépère de Gotlib, avec son œil torve, son excitation rigolarde et sa goutte au nez.

 

 

 

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