Ivan Freymond, un monde de rouille

Jusqu’au 8 décembre, la Maison du Gruyère accueille un troupeau de vaches métalliques d’Ivan Freymond, ainsi qu’une évocation magique de sa Légion d’étranges fers.freymondb

par Christophe Dutoit

Bienvenue dans le monde merveilleux d’Ivan Freymond. A ma droite, dans la salle d’exposition de la Maison du Gruyère à Pringy, un condensé de sa Légion d’étranges fers, un essaim de personnages métalliques perchés sur les tiges. Présentée pour la première fois en 2007, au Laténium de Neuchâtel, cette installation commémorait le 150e anniversaire de la découverte du site archéologique de la Tène. Pour l’occasion, le sculpteur de Thielle avait imaginé cette œuvre «poétique et pacifique» en hommage aux premiers paysans lacustres du deuxième âge de fer.

Serrurier de formation, Ivan Freymond est un fieffé coquin de la dérision. Pour son «armée née du fer et du feu», il a recyclé de vieux outils agricoles dans une forme subtile d’archéologie contemporaine. Dans ses mains de ferronnier d’art, un crochet à volet devient nez, une brosse métallique s’invente coiffure. freymonda

La rouille, cette patine du temps qui ronge le fer et qui le double d’une peau de cuir, devient sa marque de fabrique. Face à un chef qui leur tire la langue, les guerriers d’Ivan Freymond doivent autant à l’armée de l’empereur Qin qu’aux têtes rétrécies des Bibaros dans L’oreille cassée de Tintin. Avec leurs grosses lèvres pulpeuses, ils touchent à une esthétique ethno, proche des masques africains qui ont tant influencé Picasso.

Trace de ponçage
Poursuivons la visite. A ma gauche, l’artiste âgé de 50 ans conduit son troupeau de vaches dans un improbable alpage. Avec beaucoup d’ironie, il sculpte des modzons d’apparat, des bêtes de défilé de mode, avec leur corps élancé, leurs fines cornes, leurs roulettes mobiles et l’absence systématique de tétines… Pour elles, une trace de ponçage donne parfois à la rouille un trait de maquillage argenté. Avec une féminité très assumée.

Vingt après ses débuts, Ivan Freymond touche à l’excellence. A l’extérieur, deux stars paissent paisiblement au milieu des arbres parés de leur couleur automnale. Pour peu, les deux sculptures se seraient confondues avec le paysage.

Pringy, Maison du Gruyère, jusqu’au 8 décembre, lu-ve 13 h 30-18 h, sa-di 9 h-18 h.

Infos: www.lamaisondugruyere.ch et www.ivanfreymond.ch

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