Claude-Inga Barbey: «On peut faire passer des choses graves avec le rire»

Claude-Inga Barbey est de retour aux Théâtre des Osses pour douze représentations de Laverie Paradis, son nouveau spectacle en duo avec Doris Ittig.laverieparadisa

par Christophe Dutoit

Comment s’est passée cette première de Laverie Paradis, la semaine dernière à Cossonay?
Claude-Inga Barbey. Super. C’était un peu quitte ou double, parce que c’est un spectacle risqué.

Pourquoi risqué?
Parce qu’un spectacle sur la foi est très difficile à transmettre. C’est beaucoup plus difficile que l’amour. Tout le monde tombe amoureux. Mais tomber en amour avec Dieu, c’est une chose très personnelle et compliquée à expliquer. J’ai beaucoup cherché la manière de décrire ce que la foi fait en moi. L’an passé, je me suis fait baptiser catholique, parce que l’église en face de chez moi est catho et que je peux y aller à quatre pattes avec ma hernie discale… Aussi parce que les églises protestantes sont tristes. Il n’y a pas de bougies, pas d’odeurs, pas de statues. Les rituels sont moins magiques.

Alors, j’ai choisi les catholiques, mais le dogme me fait profondément gerber. Pour moi, le Vatican et tout ce papier mâché, ces papes, cette hiérarchie, cet argent, ne sont pas du tout l’Evangile. Pour ce spectacle, je voulais dire ce qu’est la foi. Pour moi, Dieu, c’est ici et maintenant, c’est le lien avec tout le monde, tout le temps, le lien entre les êtres humains. C’est prétentieux de prétendre qu’on n’a pas besoin du lien avec les autres à chaque minute. Enfin, de moins en moins avec les iPhones, mais quand même. Je voulais que ce soit perceptible par tout le monde, sans être prosélyte et en disant aussi ce que je pense de cette hiérarchie catholique.

Vous êtes finalement assez critique…
Oui, en tout cas par rapport au dogme. Il y a trop d’argent en jeu. Depuis très longtemps, l’Eglise est gagnée par l’économie et ce n’est, pour moi, pas compatible. Je voulais revenir à quelque chose de très simple. J’ai essayé. On verra. A Cossonay, je crois que les gens ont compris ce que je voulais dire.

Une fois n’est pas coutume, vous n’avez pas conçu ce spectacle lors d’improvisations, mais vous l’avez écrit à la lettre…
Les théâtres me l’ont demandé. Les Osses m’ont fait confiance uniquement sur mon thème. Mais je les sentais baliser un peu. Donc, je me suis dit qu’il fallait écrire le texte pour ôter la peur à ceux qui ont acheté le spectacle. Finalement, on m’a dit que ce n’était pas mal… Nous en sommes restées au texte. La démarche est un peu différente que sur mes autres spectacles.

Vous reste-t-il toutefois une marge de manœuvre sur scène?
Oui, bien sûr. Mais, cette pièce raconte une histoire. Ce ne sont pas des sketches. Comme toujours, il faut que les gens puissent comprendre la trame. Il fallait des points de chute plus précis qu’avec Bergamote, par exemple.laverieparadisb

Vous reformez avec Doris Ittig un duo qui a déjà bien marché, notamment avec Betty
Oui, j’ai écrit ce texte pour elle. C’est toujours une très belle aventure de jouer avec elle, parce que nous sommes très complémentaires dans notre façon de travailler. Elle a un bon-sens paysan, une espèce de logique implacable. Moi, je suis quelqu’un de plus délirant, de plus imaginatif. Dans l’élaboration du récit et ses incohérences, elle m’embête jusqu’à ce que ça soit parfaitement clair pour elle. Et si c’est parfaitement clair pour elle, c’est parfaitement clair pour les gens. Parce que je vais souvent trop vite dans ma tête, j’élude des choses et j’ai l’impression que les gens vont comprendre. Elle m’est précieuse pour ça.

J’avais aussi envie d’écrire un rôle pour Doris où elle part très petite bourgeoise, très propre sur elle, et où elle finit dans une déchéance absolue. Ce qui est le cas et elle le fait remarquablement bien. Moi, je lui sers la soupe à côté, je joue un ange qui essaie de la convaincre d’accéder à la foi. Par hasard, elle vole le saint suaire sans le faire exprès et ma double mission est de récupérer ce truc pour le rendre à Dieu. C’est une course-poursuite où le personnage de Bernadette touche le fond. Ce qui est mon but, car si elle touche le fond, elle pourra accéder à la foi. C’est le plan Job…

D’ailleurs, on avait déjà croisé un ange dans les aventures de Bergamote…
Oui, Claude Blanc était l’ange. Mais il n’avait pas d’intentions particulières…

Dans ce spectacle, on rit du début à la fin. Je crois. Enfin, à ce que j’ai vu.

Où se situent la part du théâtre et celle de l’humour dans cette pièce? Y a-t-il une frontière entre les deux?
Chaque scène est construite de façon humoristique. Aucun moment n’est vraiment dramatique. Dans ce spectacle, on rit du début à la fin. Je crois. Enfin, à ce que j’ai vu.

Finalement, le rire est-il votre ambition première?
J’ai l’impression que le message passe beaucoup mieux si on fait rire les gens… On peut faire passer des choses très graves avec le rire. Beaucoup mieux.

laverieparadisc

Qu’est-ce que cela vous fait de jouer au Théâtre des Osses pour la dernière saison de Gisèle Sallin et Véronique Mermoud?
C’est un grand honneur. Je suis très heureuse d’avoir été sélectionnée parmi beaucoup de spectacles. C’est une grande marque de confiance. Je leur en suis très reconnaissante.

Dans le dossier de presse, Doris Ittig dit de vous que vous êtes «le Woody Allen Suisse romand»…
Elle n’a pas vraiment toute sa tête, cette pauvre fille…

Givisiez, Théâtre des Osses, jusqu’au 1er décembre, les vendredis (20 h), samedis (20 h) et dimanches (17 h). Réservations: 026 469 70 00 ou info@treatreosses.ch

 

 

 

 

Posté le par admin dans Humour, Spectacles, Théâtre Déposer votre commentaire

Ajouter un commentaire