Aldebert, avec l’imagination et la liberté d’un enfant

Aldebert présentera son second album pour enfants ce samedi à la salle CO2. Entretien avec un artiste qui ne se sent jamais aussi libre que quand il chante pour le jeune public.aldebert

par Eric Bulliard

On connaît Aldebert sautillant, chanteur caoutchouc, très à l’aise en scène. Il l’a démontré par deux fois aux Francomanias de Bulle (2006 et 2012). Il devrait à nouveau le prouver ce samedi, à la salle CO2, mais dans un autre genre: Aldebert vient de sortir Enfantillages 2, son second album pour enfants, et se produit à La Tour-de-Trême dans le cadre de la saison culturelle jeune public.

Aviez-vous prévu cette suite à Enfantillages, sorti en 2008, ou est-ce son succès qui vous a encouragé à continuer dans la chanson pour enfants?
Ce deuxième album n’était pas du tout prévu. Le premier ne devait être qu’une parenthèse dans mon répertoire adulte. J’avais envie de faire un album jeune public depuis longtemps: comme animateur, j’ai pas mal travaillé avec des enfants et j’aime beaucoup l’énergie, la spontanéité, l’imaginaire qu’il y a chez eux.

Je me suis accordé cette parenthèse en 2008 et l’album a super bien marché: on a fait trois ans de tournée alors qu’il était prévu de faire 30 concerts… Durant cette aventure, j’ai eu une espèce de révélation, humainement, musicalement et au niveau de l’écriture.

Après Enfantillages, je suis revenu au répertoire adulte, que je ne pense pas abandonner, avec l’album Mes meilleurs amis. Là, j’avais envie de renouveler le concept: repartir sur cette idée d’album collectif avec plein de duos, de propositions d’artistes et une tournée avec un décor. Je me sens plus libre dans la chanson jeune public que dans la chanson adulte.

Une liberté musicale? Thématique?
Musicalement, je suis assez volage: j’aime autant le jazz manouche que le black metal. Dans la chanson adulte, j’ai parfois du mal à m’épanouir parce qu’on doit faire attention à son image et à la cible qu’on va toucher. Il faut rester dans une certaine couleur sonore. Dans la chanson jeune public, il y a une liberté totale, dans les couleurs, dans les thèmes, dans les personnages et dans les styles.

Au niveau de l’écriture, le travail est-il comparable?
On reste dans le même format de trois minutes, dans lesquelles il faut raconter les choses et choisir un angle, une émotion. La différence, c’est la part d’imaginaire. J’ancre des personnages, des enfants, à l’intérieur d’une famille ou d’une maison. Chacun peut s’identifier à eux ou y voir des gens qu’il connaît: le maître d’école, la mamie, les animaux… Mais, à côté de ça, je peux imaginer que, dans le jardin, on construit une soucoupe volante, qu’on possède un dragon ou qu’on enjambe les nuages quand on est amoureux…

Chaque invité vient dans la chanson pour la remodeler à sa façon et rendre le projet plus vivant, plus riche.

Une vingtaine d’artistes ont participé à l’album, dont Bénabar, Sanseverino, Louis Chedid, Barcella, Alexis HK… Pourquoi ces collaborations?
Pour proposer quelque chose de plus riche. Le fait d’avoir différentes voix, c’est comme si j’écrivais de petits films et que je donnais la parole à des acteurs que je choisis. Chaque invité vient dans la chanson pour la remodeler à sa façon et rendre le projet plus vivant, plus riche.

Aviez-vous ces artistes en tête au moment de l’écriture?
Pas du tout. Au départ, j’écris des chansons pour les jouer avec mes musiciens, comme on le fait sur la tournée. Une fois qu’elles commencent à être arrangées, on réfléchit, avec mon équipe, à des gens qu’on verrait bien dessus, en fonction de ce qu’elles dégagent en termes de timbre, de discours.

Ça permet de grands écarts intéressants, d’Alizée à Didier Wampas, par exemple. Et le fait d’enregistrer pour des enfants a un côté récréatif et naturel très agréable. Claire Keim me disait que, en entrant en studio, on a l’impression d’être des gamins dans un grenier, qui mettent des costumes et des chapeaux…

Vous vous mettez donc vraiment dans la peau des mômes: Henri Dès, par exemple, affirme qu’il refuse ça et parle en adulte qui observe l’enfance…
Moi pas du tout… Je pense que, si j’arrive à 80 balais, j’aurai toujours le regard d’un enfant. Aussi grâce à mon métier: peut-être que si j’étais banquier, ce serait différent. Mais faire son intéressant sur scène devant des gens, être constamment en tournée avec des potes, c’est très enfantin… Je ne veux pas être l’adulte qui chante pour les enfants. J’ai plutôt l’impression d’être avec eux, relié directement.

Mais l’album est aussi présenté comme «le disque pour les enfants que les parents s’arrachent»…
Oui, mais ce n’était pas une volonté de départ. Le premier Enfantillages, je l’ai écrit comme ça venait et j’ai été surpris de voir débarquer des familles, des parents qui restaient aussi dans la salle. Du coup, je m’adresse aussi aux parents: il y a deux lectures dans les chansons. Peut-être que c’est le fait d’avoir une partie de mon répertoire plutôt destinée aux adultes. A la fin des concerts, enfants et parents me disent souvent qu’ils écoutent l’album en voiture, qu’ils échangent…

Chanter pour le jeune public n’empêche pas d’aborder des sujets sérieux, voire sombres…
J’aime bien le côté Tim Burton, qu’on retrouve par exemple dans Taxidermiste. L’enfance, c’est joli, c’est rigolo, mais ce n’est pas que merveilleux. Il faut dire aussi des choses sérieuses. Il y a des enfants exposés aux guerres, délaissés, qui représentent un drame humain total. J’en parle dans Petits d’anges, mais  ce n’est pas évident. Il est plus facile d’écrire une chanson comme Y’a rien qui va

En concert, comment allez-vous transposer cet univers?
Le jeune public impose en quelque sorte de théâtraliser et d’utiliser plusieurs médias. On arrive sur scène en soucoupe volante, qui parle et qui sert de fil conducteur. Il y a des ombres chinoises, des marionnettes, un peu d’acrobatie, de la vidéo… Ça reste un concert, mais j’aime bien ce côté théâtral.

Y a-t-il un chanteur qui vous a marqué quand vous étiez enfant?
Steve Waring et Anne Sylvestre. Pour moi, ce sont vraiment les deux piliers de la chanson pour enfants. Ils ne sont jamais infantilisants et n’ont pas subi les affres du temps. Quand j’étais animateur, je faisais écouter à mes maternelles du Steve Waring et ça passait toujours très bien.

Aldebert
Enfantillages 2
Sony Music

En concert à La Tour-de-Trême, salle CO2, samedi 2 novembre, 17 h.

 

 

 

Posté le par admin dans Chanson française, Humour, Musique Déposer votre commentaire

Ajouter un commentaire