Axel Bauer l’atypique

Trente ans après Cargo de nuit, Axel Bauer confirme dans son nouvel album qu’il demeure un chanteur à part, surprenant et attachant. Interview avant sa venue aux Francomanias.bauer
par Eric Bulliard

Il y a trente ans, il débarquait avec ce tube imparable: «Trente-cinq jours sans voir la terre / Pull rayé, mal rasé…» Cargo de nuit et son clip signé Jean-Baptiste Mondino révélaient Axel Bauer, 22 ans. Par la suite, Eteins la lumière et A ma place (en duo avec Zazie) l’ont ponctuellement remis sur le devant de la scène.
Ce printemps, ce chanteur intègre et guitariste virtuose revient avec Peaux de serpent, dont la moitié des textes sont écrits par l’excellent Marcel Kanche. On y croise aussi la plume de Gérard Manset et de Brigitte Fontaine, l’ensemble formant un univers rock sombre et envoûtant. Entretien à l’occasion de sa venue aux Francomanias de Bulle, où il partagera la soirée du vendredi, sur la grande scène, avec Olivia Ruiz et Arnaud Fleurent-Didier.

Il y a aussi eu la mort d’Alain Bashung: j’ai réécouté les albums et j’assume cette influence.

Cet album paraît d’emblée différent, plus sombre que le précédent (Bad cowboy, 2006): était-ce une volonté de départ?
Ce n’est pas forcément très conscient, mais je voulais retrouver des sensations, revenir à mes amours de départ qui sont plus rock que pop. La direction a également été prise par la rencontre avec l’auteur Marcel Kanche. Il y a aussi eu la mort d’Alain Bashung: j’ai réécouté les albums et j’assume cette influence.

Comment s’est déroulée cette rencontre avec Marcel Kanche?
Du temps où j’étais chez Universal, on me parlait souvent de Kanche en disant que nous devrions faire un truc ensemble. Nous n’avions pas trouvé l’occasion, mais c’était resté dans un coin de ma tête. Ensuite, on s’est rencontré par l’intermédiaire de mon tourneur. Il a fallu plusieurs tentatives pour que la relation de travail se mette en place, avant qu’on fasse une première chanson, Aveugle. Dès ce moment-là, on avait trouvé un univers commun.

Son univers est très lié à la nature, au monde rural…
Ce qui me parle surtout, c’est les questions qui sont posées, le côté spirituel relié à la nature. Il y a toujours cette évocation de la nature, des animaux, de la paille, d’une façon imagée, riche, colorée. Dès que j’ai chanté ses textes, je me les suis appropriés. J’avais l’impression qu’il m’avait perçu dans mon âme.

Vous avez quitté la major Universal: était-ce une manière de retrouver une totale liberté?
J’ai toujours eu une grande liberté. Ce n’est pas la partie créative qui m’a poussé à mettre fin au contrat, mais plutôt la suite, la façon d’amener l’album vers le public. Dans les majors, on est un peu noyé: il y a dix sorties dans le mois, on ne sait pas comment les choses sont travaillées et on est très passif. J’aurais pu déprimer de me retrouver sans contrat, mais ça m’a fait l’effet inverse: ça m’a boosté, libéré.

On entend dans l’album un mélange entre un côté spontané, évident, et un travail approfondi sur le son…
Le travail sur le son m’intéresse depuis toujours. Sur l’album précédent, j’avais un producteur qui travaillait très à l’ancienne, sans compression, sans réverb’, beaucoup à la prise. L’inverse de ce que j’aime faire… Je m’étais prêté au jeu, mais, à l’arrivée, je me suis senti un peu frustré. Là, je me suis permis de revenir à ce que j’aime, un mélange de textures, venant le plus souvent des guitares.

Je ne vois pas pourquoi je me cacherais d’avoir fait Cargo. Ce titre continue à être découvert, à plaire et en le jouant sur scène pratiquement dans sa version originale, je me rends compte que, dès les premières mesures, on est pris dans une espèce de machine qui avance, un groove entêtant très agréable.

Cargo de nuit vous a révélé il y a tout juste trente ans: avec le recul, comment voyez-vous ce titre?
J’assume complétement et j’en suis fier. Si j’avais fait un tube du genre Tourner les serviettes, j’aurais peut-être envie de le cacher, mais je ne vois pas pourquoi je me cacherais d’avoir fait Cargo. Ce titre continue à être découvert, à plaire et en le jouant sur scène pratiquement dans sa version originale, je me rends compte que, dès les premières mesures, on est pris dans une espèce de machine qui avance, un groove entêtant très agréable. Et aujourd’hui, je le joue avec le plaisir de faire plaisir!

A l’époque, comment avez-vous vécu cet immense succès dès votre premier titre, alors que vous aviez à peine plus de 20 ans?
Cette notoriété soudaine est étrange à vivre. Très rapidement, j’ai été propulsé sur le devant de la scène: le titre est resté huit mois numéro un dans l’année 1984. Les rapports humains, même avec les amis, changent, vous devenez une personne différente et c’est bouleversant.
Tout artiste qui rencontre son public et le succès connaît ça, mais peut-être que pour moi c’était plus soudain: à l’époque, Etienne Daho avait eu une espèce de montée en puissance, avec un premier album un peu confidentiel, mais qui avait créé une base de fans, puis un deuxième… Il a dû avoir plus de temps que moi pour s’habituer à cette sensation de succès, qui peut être très violente. Je me souviens que je l’enviais un peu, mais aujourd’hui, ça fait partie de ma vie.

La suite de votre parcours est atypique, avec un gros tube tous les dix ans: Eteins la lumière (1990) et le duo avec Zazie, A ma place (2001): comment l’expliquez-vous?
C’est toujours un enchaînement de circonstances. On ne maîtrise pas son destin à 100%… Je ne me suis pas fait la vie facile, en tout cas! Aujourd’hui, à 50 ans passés, je suis bien dans mes pompes, mais c’est vrai que pour le public, ça peut être déstabilisant de voir un type comme ça qui vient, qui repart… Mais la plupart du temps, ce n’est pas de mon fait.

Sur scène, à quoi peut-on s’attendre?
On vient à cinq: claviers, deux guitares, basse, batterie, donc dans une ambiance assez rock. On joue beaucoup de morceaux du nouvel albumd, les incontournables comme Eteins la lumière et Cargo, d’anciens morceaux dans des versions différentes. Il y a un guitariste assez bruitiste, qui joue avec The Dø, le batteur de Pony Pony Run Run, un bassiste de No one is innocent, qui donne un côté un peu metal assez agréable. Sans avoir énormément de concerts dans les pattes, il y a déjà une espèce d’osmose et on est super content.

En concert aux Francomanias de Bulle le vendredi 10 mai. www.francomanias.ch

 

 

 

Posté le par Eric dans Chanson française, Francomanias, Musique Déposer votre commentaire

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