Marc- Antoine Mathieu, pour rattraper le temps déchiré

juliusDepuis une vingtaine d’années, Marc-Antoine Mathieu interroge à sa manière le neuvième art sous toutes ses formes. De forme, il en est à nouveau question dans Le décalagele sixième tome de sa série dédiée à Julius Corentin Acquefacques, prisonnier des rêves. Après avoir investigué la troisième dimension, la couleur, la perte d’une case ou le récit inversé, le Français base son nouveau récit sur une narration décalée et nihiliste, où les personnages perdent en route le fil de leur histoire.

Plongés dans le rien absolu, les héros errent dans des limbes immaculés. Perdus dans ce vide sidérant, ils en profitent pour disserter, à l’occasion de délicieux dialogues que n’aurait pas reniés Raymond Devos:

– Un point de vue sur rien; cela donne-t-il quelque chose?

– Rien, à première vue.

– Le rien à perte de vue.

– C’est tout vu: y a rien à voir.

– C’est un point de vue.

– Vue sur rien et point de vue, c’est du pareil au même.

– Attention: le rien, ce n’est pas si rien que ça.

– C’est vrai. Par exemple, les «petits riens», ça existe bel et bien.

– Même un moins que rien, c’est quand même quelque cho­se…

Toujours avec ses magnifiques aplats de noir et de blanc, Marc-Antoine Mathieu réussit le pari de renouveler ses gimmicks, sans compromettre ni son personnage principal ni sa manière si pertinente de disséquer les codes de la bande dessinée. Comme à chaque fois, on en redemande.

par Christophe Dutoit

Marc-Antoine Mathieu
Julius Corentin 
Acquefacques, prisonnier des rêves,  tome VI, Le décalage
Delcourt

 

 

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