Verdi à travers son épouse Giuseppina

L’Opéra de poche fribourgeois célèbre à sa façon – cadre intimiste et approche accessible aux néophytes ­– le 200e anniversaire de la naissance de Giuseppe Verdi.
verdi

par Laure Jaquier 

Six personnes dans un salon peuvent-elles rendre justice à ce géant de l’opéra, célébrissime et ô combien populaire, dont l’œuvre est colossale? L’Opéra de poche fribourgeois accomplit ce grand écart avec succès et nous rend le compositeur tout proche et particulièrement humain. Verdi nous est présenté à travers le regard aimant de son épouse Giuseppina dont le récit sert de fil rouge au spectacle. La femme du compositeur est incarnée par la comédienne Anne-Laure Vieli qui exprime avec fraîcheur et justesse un texte pertinent et plein d’intérêt.

Les évocations de lieux et de personnages sont illustrées par des photos, gravures ou peintures à l’écran (qui fournit également les sous-titres des parties chantées), permettant au public de quitter le cadre du salon pour se faire une image du XIXe siècle européen.

Le récit cerne intelligemment les enjeux principaux des drames de Verdi, comme l’affrontement entre l’amour partagé par deux personnes et la dimension collective et politique qui empêche leur union, ou les relations complexes entre père et enfant, omniprésentes dans ses intrigues. L’épouse aborde également les questions des sources d’inspiration du compositeur et de la réception de ses œuvres.

Les spectateurs sont plongés dans l’ambiance de ces dernières grâce au piano de l’excellent Anthony di Giantomasso qui, s’il ne peut accomplir le miracle de remplacer un orchestre entier, fait montre d’une habileté irréprochable et d’une interprétation toute en souplesse et en subtilité.

Quatre artistes lyriques interprètent un florilège de «tubes» verdiens issus notamment de Nabucco, Rigoletto, La Traviata, Don Carlo et Aïda, illustrant les souvenirs narrés par Giuseppina qui parvient à résumer l’intrigue en quelques mots afin que le non-connaisseur comprenne de quoi il s’agit.

Deux voix convaincantes
Si, du côté des interprètes masculins, l’on peut déplorer un certain manque de souplesse, on admire toutefois la voix particulièrement bien timbrée du ténor Gilles Bersier et la belle interprétation de Rigoletto du baryton Alain Clément.

Les deux sopranos offrent quant à elles un constant ravissement aux auditeurs. Charlotte Müller Perrier campe une Gilda idéale, par sa fraîcheur et sa naïve innocence, et nous touche en Desdemona, humble et émouvante dans la prière de l’Otello. Sa voix est à la fois pure, ronde et chaleureuse. Rachel Sparer Bersier dispose des qualités requises pour exécuter les passages les plus dramatiques: technique parfaitement maîtrisée, palette de nuances du fortissimo fracassant au pianissimo le plus intense, interprétation passionnée. Toujours convaincante, elle déploie une sonorité riche sublimée par une diction parfaite.

Les quatre chanteurs savent également allier leur talent avec complicité et présentent une très belle version du fantastique quatuor Belle figlia dell’amore de Rigoletto.

Le public, principalement constitué dimanche de familiers des grands airs verdiens, a chaleureusement salué la performance de tous les artistes et a quitté La Tuffière, comblé et ravi.

Corpataux, La Tuffière, Il Bacio di Verdi, 21 et 23 mars à 20 h; 24 mars à 17 h

 

Posté le par admin dans Spectacles Déposer votre commentaire

Ajouter un commentaire