Humaine, si humaine, la rue au XXe siècle

Sous le titre Des regards, des passants, cent photographies de l’Albertina sont exposées au Musée d’art et d’histoire de Fribourg jusqu’au 30 juin.

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par Christophe Dutoit

Au cœur du XXe siècle, la rue était l’un des thèmes centraux de la photographie. Grâce à l’arrivée sur le marché d’appareils légers et très maniables, notamment les premiers Leica en 1925, les photographes se sont servis de la rue comme d’une matière première tant esthétique que documentaire. Durant une cinquantaine d’années, la street photography (comme on l’appelle aujourd’hui) est devenue un genre informel, un mouvement sans école, auquel se sont frottés les plus grands noms, d’Henri Cartier-Bresson à Robert Frank, en passant par Lisette Model, Gary Winogrand ou Lee Friedlander.

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Jusqu’au 30 juin, le Musée d’art et d’histoire de Fribourg (MAHF) héberge une centaine de tirages issus des collections de l’Albertina. Autrefois le plus vaste palais résidentiel des Habsbourg à Vienne, l’Albertina abrite depuis 1801 une impressionnante collection de dessins, d’estampes et de photographies, réunies depuis 1999 dans un département spécifique.

A Vienne en 2007
Des liens étroits entre l’institution fribourgeoise et sa consœur viennoise ont rendu possible la venue au MAHF de l’exposition Blicke, Passanten, montée à Vienne en 2007. «Nous avons dû faire un choix parmi les 250 tirages proposés, car notre salle d’exposition n’est pas aussi vaste que les leurs», explique Stephan Gasser, conservateur du musée, qui a retenu une centaine d’épreuves, faisant la part belle aux maîtres du XXe siècle.

Aussi, rien d’étonnant à ce que l’accrochage débute avec plusieurs tirages d’Henri Cartier-Bresson, le chantre de l’«instant décisif», qui a marqué plusieurs générations d’auteurs. Pour lui, photographier, «c’est mettre sur la même ligne de mire la tête, l’œil et le cœur». Tout un programme.
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Le ton est donné – noir et blanc – et la balade dans l’histoire de la photographie se poursuit au gré des cimaises. On croise évidemment une pléiade de grands noms. Ici Brassaï et son célèbre Hôtel de passe, rue Quincampoix, 1932, avec cette femme en chair et de dos qui se rhabille sous les yeux de son client. Plus loin, William Klein prend des images à la volée dans un New York dangereux et fantasmé. Mais tout aussi sensuel.
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Couleurs redécouvertes
On tombe ensuite sur plusieurs images de la série Les Américains, du Suisse Robert Frank. Un tournant dans la manière d’appréhender le reportage au milieu des années 1950. L’exposition s’entrouvre également à la couleur, avec une subtile série de Saul Leiter, photographe new-yorkais redécouvert sur le tard pour ces Kodachromes aux couleurs surannées. Pied de nez à la pure street photography, les curateurs ont même choisi un diptyque montagnard de Walter Niedermayr, plus proche de la photographie contemporaine que des images humanistes des années cinquante.
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Seul bémol au terme de la visite, on regrettera que le choix du MAHF – certes dicté par l’indisponibilité de certaines pièces – fasse abstraction des travaux de Stephen Shore, William Eggleston ou Joel Meyerowitz, tenants d’une nouvelle approche de la couleur dès les années septante. Par chance, on peut retrouver l’intégralité de Blicke, Passanten dans le catalogue de l’exposition originelle.

Quant à la photographie de rue elle-même, elle est tombée en désuétude depuis une vingtaine d’années, poussée dans les cordes par une approche nettement plus plasticienne de l’image et – surtout aux Etats-Unis – une réticence de plus en plus grande des gens à se laisser prendre en photo dans la rue. Alors que ces mêmes gens exposent leur intimité à longueur de journées sur Facebook… Mais cela est une autre histoire.

Fribourg, Musée d’art et d’histoire, jusqu’au 30 juin, ma-di 11 h-18 h, je jusqu’à 20 h, www.mahf.ch
Le catalogue de l’exposition
Blicke, Passanten, Christian Brandstätter Verlag (textes en allemand) est en vente au MAHF

 

 

 

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