Cortez, l’intégrité au service de l’énergie brute du hardcore

cortezEmmené par le batteur bullois Grégoire Quartier, Cortez vient de publier Phœbus, son second album, qui a reçu «un accueil incroyable» en Europe et aux Etats-Unis. Avant une tournée européenne en mai, rencontre avec le concert de ce samedi à Fri-Son.

par Christophe Dutoit

Grégoire Quartier est un étrange paradoxe. Comment ce jeune homme de 34 ans, incessamment papa d’un deuxième enfant, si calme et si posé dans sa cuisine cosy lorsqu’il évoque sa musique, comment ce jeune homme a-t-il pu décemment composer le hardcore brutalement apocalyptique de Phœbus, le second album de son groupe Cortez?

Devant une tasse de café très serré, il sourit. «Notre musique est un exutoire libérateur. Nous restons au plus proche de cette énergie brute héritée du mouvement punk, explique-t-il derrière ses élégantes lunettes et sa barbe noire. Notre musique n’est pas consensuelle, elle n’est pas faite pour plaire. Nous n’allons pas la jouer au Paléo cet été…»

Non, Cortez ne se produira pas sur la plaine de l’Asse, mais bien ce samedi à Fri-Son, pour la première date suisse de sa tournée européenne, après un tour de chauffe à Toulouse, à Montpellier et à Bruxelles au début du mois.

Le groupe bullois n’était plus remonté sur scène depuis six ans, date de la tournée d’Initial, le premier album de Cortez. «Personnellement, j’aurais bien enchaîné directement. Mais les autres membres du groupe avaient des priorités différentes. Alors, je me suis investi dans divers projets musicaux», raconte Grégoire Quartier. (lire La Gruyère du 11 novembre 2011)

Intéressant processus
Après plusieurs années d’hibernation, le groupe sort peu à peu de sa torpeur. «J’ai recommencé à composer avec Samuel Vaney (guitare). Nous avons pris notre temps, car le marché est déjà saturé et nous ne voulions pas arriver avec un disque trop old school», sourit-il aujourd’hui. Et, plutôt que de dépenser de l’argent dans la location d’un studio, le groupe décide d’investir dans son propre matériel d’enregistrement. «Car le processus est aussi intéressant que le résultat. La phase de studio nous a ouvert un champ d’expérimentation infini.»

Entre-temps, Samuel Vaney s’est exilé en France, mais continue de travailler avec son groupe. Luthier de métier, Antoine Tinguely l’a remplacé à la six-cordes. Ou faut-il dire à cet étonnant instrument qui peut autant sonner comme une guitare que comme une basse, ou comme une infinité de mélanges entre les deux.

«C’est vrai que, en France, Cortez est connu pour être le groupe sans bassiste, rigole Grégoire Quartier. Dans ce monde de Vikings du metal, ça crée son petit effet de surprise. Au départ, on jouait ainsi, simplement parce qu’on n’avait pas trouvé de bassiste…»

Radicalement artistique
Finalement, cette contrainte va ouvrir de nouveaux champs du possible. «Nous avons trouvé des manières de composer différentes, avec ce son particulier qui nous caractérise. Notre approche est radicalement artistique. On veut davantage que jouer du simple metal hardcore. Heureusement, notre patte est très bien comprise…»

J’aime construire la musique. J’aime la réfléchir. J’ai envie qu’elle sonne comme je l’ai entendue dans ma tête. C’est là mon expression artistique.

Jamais avare de travail, le binôme conceptualise entièrement sa musique avec les outils informatiques actuels. «L’album était quasi terminé avant même que nous ne le jouions pour la première fois en répétition, explique Grégoire Quartier. D’ailleurs, j’ai dû bosser des passages de batterie assez difficiles, dont je n’aurais jamais eu l’idée si les morceaux avaient été composés au local, comme le font tous les groupes.»

En fin de processus, le chanteur-hurleur JR pose ses flows sur la déferlante. «Nous écrivons les textes à trois, en français, même si le but n’est pas de forcément comprendre toutes les paroles.»

Ecoute cérébrale
A l’image de Nine Inch Nails (par exemple), la musique de Cortez possède plusieurs niveaux de lecture. Le côté «metal qui déchire», bien sûr, mais aussi une écoute plus cérébrale, pour découvrir la complexité des arrangements. D’ailleurs, Grégoire Quartier revendique des influences autant dans le monde du hardcore (Autechre) que dans la musique classique (Schubert ou Bartok) ou le blues (John Lee Hooker). «En fait, j’aime construire la musique. J’aime la réfléchir. J’ai envie qu’elle sonne comme je l’ai entendue dans ma tête. C’est là mon expression artistique.»

Dans les bacs depuis quel-ques semaines, Phœbus fait l’unanimité des critiques dans le milieu hardcore, aussi bien en Europe et qu’aux Etats-Unis. Sur le Facebook du groupe, on peut lire des éloges dithyrambiques, du genre: «Phœbus est d’une puissance rare. Une puissance à des années-lumière de la primitivité de la violence…»

Deuxième première chance
«L’accueil est incroyable et les portes des salles s’ouvrent à nous. En mai, nous allons tourner en France et en Espagne. Puis, une tournée est en train de se mettre sur pied en Allemagne pour la fin de l’année. Pour la première fois de ma vie, je sais ce que je vais faire dans les neuf mois à venir», se marre Grégoire Quartier, qui affine par ailleurs une pièce – «de la musique hyperambient» – qui sera jouée ce printemps au festival Altitudes.

«Phœbus est notre deuxième première chance, avoue le musicien bullois. Même si on ne fait rien pour qu’on nous apprécie, j’aime aller au bout des choses. Car je suis un optimiste pathétique. Maintenant, nous savons comment vendre notre musique. Ce qui nous arrive est plutôt cool.»

En attendant de jouer dans leur jardin à Ebullition, les membres de Cortez seront de passage à Fri-Son ce samedi. «On n’a jamais été des héros locaux. J’aime les petites scènes, où le public s’éclate à un mètre de la batterie. C’est là la vraie sensation de ma musique.»

Un exutoire, disait-on… 

Cortez, Phœbus, Irascible/Get
http://cortez.bandcamp.com
Fribourg, Fri-Son, samedi 16 mars, dès 21 h, avec Céleste et Haut & Court en premières parties

 

 

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