Spring breakers, Barbie nihiliste

springbreakersC’est «l’Amérique vendue à des gyrophares crus» que chantait Noir Désir. Une Amérique qui prie Dieu et se vautre dans la bière. Qui regarde des dessins animés et sniffe de la coke sur le ventre des filles à poil. Avec Spring breakers, Harmony Korine révèle la face la plus déjantée d’une certaine jeunesse du XXIe siècle, qui confond sa vie avec les jeux vidéo et n’hésite pas à proclamer: «La thune, c’est ça, le rêve américain.»

Grand film malade, (bad) trip halluciné, Spring breakers assume une manipulation: pour mieux faire passer son message aux jeunes, le réalisateur (révélé en 1995 comme scénariste de Kids de Larry Clark, écrit alors qu’il avait 19 ans) a engagé des actrices toutes mignonnes, toutes gentillettes: Selena Gomez, Ashley Benson, Vanessa Hudgens, Heather Morris. Autant de starlettes adulées des adolescentes, qui risquent d’être sacrément secouées en voyant ces Barbie défoncées, délurées, violentes: nous sommes ici plus près du nihilisme de Fight club que de High school musical… Ces quatre demoiselles réalisent leur rêve: participer au Spring break, cette fête sans limite des étudiants américains. Pour réunir l’argent nécessaire au voyage en Floride, elles braquent un fast-food. Sur place, après une soirée partie en quenouille, elles sont arrêtées, mais Alien, trafiquant local, paie leur caution et les prend sous son aile.

Avec ses couleurs saturées, sa musique omniprésente, Spring breakers s’empare des codes du clip MTV pour les détourner avec une habileté sidérante. Tant pis si l’histoire tourne à vide: nous sommes ici dans le registre du pur cinéma, avec mise en scène hyperstylée, montage virtuose, jeu roublard sur la chronologie, gros plans obscènes pour mettre en lumière (crue) cette jeunesse perdue dans les fumées et la vulgarité. Le tout ressemble à un cauchemar fluo, une fable sous ecsta, une hallucination malsaine dont on sort éreinté.

Sans craindre d’aller au bout de ses intentions, Harmony Korine préfère la gifle à la prise de distance critique. Au risque de déranger. Dès lors, les prestations des acteurs deviennent presque secondaires, même si tous se révèlent excellents. James Franco en particulier (pas aidé par la médiocrité du doublage), méconnaissable en Alien. On n’est pas près d’oublier cette séquence où ce fan de Scarface complètement barré joue du Britney Spears sur son piano blanc, au bord de l’océan. Tout comme on se souviendra longtemps de ces mots de Faith, la seule de ces jeunes filles un rien sensée: «Ç’aurait pas dû se passer comme ça…»

Spring breakers, de Harmony Korine, avec Selena Gomez, Ashley Benson, Vanessa Hudgens, Heather Morris et James Franco

 

 

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