Pietragalla, quand la technologie 3D se met au service du rêve

Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault ont récemment levé le voile sur leur nouvelle création. Fondée sur l’univers d’Ionesco, elle mêle chorégraphie et technologie de pointe.

Pietragalla

Par Eric Bulliard

Suite présidentielle d’un grand hôtel genevois, avec vue sur la rade et le jet d’eau. La compagnie Pietragalla – Derouault a invité quelques journalistes et professionnels du spectacle pour présenter M. et Mme Rêve. Une création qui s’annonce hors du commun où se côtoient la danse, l’univers d’Ionesco et la technologie 3D. Elle passera par la salle CO2 de La Tour-de-Trême le 16 mars.

Tout de noir vêtus, Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault rivalisent d’enthousiasme pour évoquer cette nouvelle chorégraphie, encore en travail au moment de la conférence de presse. «Elle est le fruit de deux aventures, explique la danseuse étoile. D’un côté, l’univers d’Ionesco, que nous avons approfondi, notamment en rencontrant sa fille. Nous avons créé notre propre histoire, poétique, fantasmagorique, à partir de son état d’esprit et de son théâtre, qu’il qualifiait d’insolite et non pas d’absurde.»

Deuxième volet de cette aventure: sur cette histoire où «il est question de couple, de vie, de mort, de solitude, d’enfance», s’est gref-fée une dimension technologique, grâce à la rencontre avec Dassault System, entreprise spécialisée dans l’imagerie 3D. «Quand nous avons découvert cette technologie, enchaîne Julien Derouault, nous ne pensions pas qu’elle était aussi avancée.» Pour décrire le résultat de cette rencontre entre un art de la scène et les images 3D, les deux danseurs et chorégraphes parlent volontiers d’«irréalité virtuelle».

Une révolution

Concrètement, quelque 200 m2 d’images seront projetés, pour former des décors mouvants. «Il ne s’agit pas d’images en relief, poursuit Julien Derouault, mais de 3D en immersion. Les spectateurs n’ont pas besoin de lunettes. Nous sommes immergés dans les images, qui réagissent avec nous, avec nos mouvements.» Et le danseur de comparer cette nouveauté à «une forme de révolution, un peu comme quand la lumière est arrivée au théâtre».

Grâce à cinq vidéoprojecteurs et une technologie présentée comme inédite, il devient possible de danser avec 3000 rhinocéros ou sur des astéroïdes en vol dans l’espace. Des sols s’écroulent, des personnages se transforment. «Ionesco disait volontiers “tout ce que nous rêvons est réalisable”. C’est ce que nous faisons», sourit Julien Derouault.

Ionesco, notre Lewis Carroll

Selon les deux danseurs et chorégraphes, cette technologie s’applique parfaitement à Ionesco et à son imaginaire, à sa manière de faire exploser les codes du théâtre «pour être dans la sensation. Sa fille nous a d’ailleurs affirmé qu’il aurait adoré travailler avec des danseurs.» C’est aussi une autre manière de faire découvrir un auteur célèbre (tout le monde ou presque a au moins entendu parler de La cantatrice chauve), mais mal connu. «Il est un peu notre Lewis Carroll, explique Julien Derouault, intarissable sur l’auteur des Chaises. Nous avons en quelque sorte fabriqué un Alice au pays des merveilles façon Ionesco.»

M. et Mme Rêve aura ainsi plusieurs niveaux de lecture: «Il y a des liens avec l’œuvre d’Ionesco, mais le spectacle s’adresse aussi à ceux qui ne la connaissent pas», estime Marie-Claude Pietragalla. En ajoutant qu’il est tout public: «La danse doit s’adresser au plus grand nombre.» Même envie d’abattre les frontières du côté de la musique, qui ira de Laurent Garnier à Wagner, en passant par Alain Bashung.

«Théâtre du corps»

Figure majeure de la danse contemporaine, Marie-Claude Pietragalla est déjà venue à Bulle, il y a deux ans, avec son solo La tentation d’Eve. Cette fois-ci, elle sera en scène avec Julien Derouault, son compagnon. Ils ont fondé la compagnie Pietragalla-Derouault en 2004 et n’ont cessé d’explorer ce qu’ils appellent «le théâtre du corps» en mêlant leurs deux univers.

Avant M. et Mme Rêve, la compagnie a déjà régulièrement abattu des frontières et fait appel à d’autres types d’écriture, que ce soit du côté du cirque, du film d’animation, des marionnettes… Mais jamais encore ils n’avaient travaillé avec un concept aussi original et exigeant. «Mais ce n’est pas un laboratoire, insiste Marie-Claude Pietragalla. Nous respectons les codes du spectacle vivant: cette technologie de pointe est toujours au service du propos artistique, du voyage poétique que nous proposons au spectateur.»

www.pietragallacompagnie.com.

La Tour-de-Trême, salle CO2, samedi 16 mars. www.labilletterie.ch

 

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