Un voyage pépère, sans le vent du large

La troupe du Théâtre Boulimie proposait vendredi un Tour du monde en 80 jours d’après Jules Verne, revisité pour le café-théâtre. Un voyage un peu morne que le rire seul n’a pas fait décoller.

par Jean Godel

Bien sûr, on retrouve les personnages principaux de Jules Verne: Phileas Fogg (Marc Donnet-Monay), son domestique Passepartout (Karim Slama) ou encore Fix (Kaya Güner), détective de Scotland Yard à leurs trousses. Bien sûr, on retrouve les grandes étapes du périple, de Londres à Bombay, de Hong Kong au Far West. Et bien sûr, aussi, qu’on est loin de l’univers de Jules Verne puisqu’on est là dans le café-théâtre. Normal.

Qu’est-ce qui fait alors qu’on reste sur sa faim à l’issue de ce Tour du monde en 80 jours, revisité par la troupe de Boulimie et parcouru vendredi soir devant une salle du CO2 archicomble et comblée? Le texte, d’abord, bien sûr totalement réécrit, mais sans génie. Ce ne sont pas les anachronismes qui dérangent. Si l’on rit de bon cœur à certains (Fogg: «Si nous évitons l’échangeur d’Ecublens et le pont du Mont-Blanc, nous y arriverons»), d’autres sont plus lourdingues (Passepartout: «J’ai quitté la France après les mauvais résultats de Domenech») sans parler de Calcutta qui se mue en «quel cul t’as». Une affaire de goût.

Dans un décor pratique, mais tristounet, les comédiens enfilent les sketches (les blagues?), de loin pas tous des perles. Un texte linéaire, sans montée en puissance, sans surprise. Et l’on en vient à se réjouir de l’accéléré («sinon, ce serait trop long») entre Yokohama et l’Amérique – une séquence à la chorégraphie par ailleurs fort drôle.

Mise en scène nonchalante
Ce qui cloche surtout, c’est la nonchalance de la mise en scène, impuissante à faire monter ce texte sans levure. Trop souvent, les protagonistes débitent leurs gags, puis disparaissent. Point. Au suivant. La soirée aurait aussi bien pu être radiophonique.

Plus dérangeant, cette mise en scène flemmarde de Martine Jeanneret et Lova Golovtchiner déteint parfois sur le jeu, à l’image d’un Kaya Güner désinvolte, riant quasiment de chacune de ses répliques. Le problème de Marc Donnet-Monay est autre: comédien délirant, il subit son personnage de Phileas Fogg, maniaque et gris et qui affadit le Valaisan. Or, rien n’a été fait pour le sortir de là.

Reste que l’on passe une bonne soirée avec des moments de franche rigolade: les variations de Fix sur le nom de Passepartout, qui devient Passeparlà, Passe-moi-le-sel ou Pisse-partout, ou encore la scène désopilante du sauvetage de la princesse indienne Aouda des griffes de ses stupides tortionnaires.

Quelques numéros assumés de café-théâtre sont les scènes les plus réussies, à l’image de ces cinq spectatrices «so british» d’un derby hippique. Restent surtout les performances solides de Karim Slama, très convaincant, de Jade Amstel et de Frédéric Gérard, irrésistible en consul planétaire ou en serveur de bouiboui chinois. Eux ont su créer de vrais personnages qui ont fait oublier les gags de showmen.

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