Anna Karenine, la modernité d’un classique

Anna KareninaUne question et une incompréhension tout d’abord: qu’est-ce qui peut pousser un réalisateur à se dire un jour: «Tiens, pourquoi ne pas faire une huitième adaptation de l’un des romans les plus célèbres et les plus lus de la littérature occidentale?» Une fois ce mystère insondable passé, il faut avouer que le dernier film du réalisateur britannique Joe Wright constitue une bonne surprise.

S’étant fait la main sur Orgueil et préjugés et Reviens-moi, Wright s’est donc attaqué ici à du lourd, du très lourd avec Anna Karenine. L’héroïne iconoclaste de Tolstoï – qui représente à la fois la liberté, la modernité et le péché – a eu pour mémorables interprètes rien de moins que Greta Garbo, Vivien Leigh ou Sophie Marceau. Dans sa version 2012, c’est à Keira Knightley qu’incombe cette tâche ardue.

Brisant les règles d’une noblesse russe vieillissante et isolée, Anna, femme mariée et mère de famille, s’éprend passionnellement du jeune et beau comte Vronski. M. Karenine, homme d’Etat et d’honneur, tente de faire face à cette situation avec le pragmatisme qui convient. A cette triangulation mari-femme-amant vient se superposer l’histoire simple d’un autre couple noble: Constantin Dmitriévitch Levine et Kitty Stcherbatski.

le jeu de poupées russes s’exprime par le choix esthétique du réalisateur

Si la trame est connue, elle demeure une occasion unique de jouer sur les oppositions fondamentales: homme et femme, tradition et modernité, ville et campagne, noblesse et bas peuple, etc. Mais le binôme le plus en vue reste l’amour et la raison. La dualité engendre une inévitable mise en abyme.

C’est par le choix esthétique du réalisateur, osé, mais défendable, que s’exprime le jeu des poupées russes. Passé les premières minutes indigestes, l’œil s’habitue à ce «cinéma-théâtre» qui lorgne parfois du côté d’un Baz Luhrmann, avec les lourdeurs et le kitsch que cela implique. Une profondeur de champ quasi nulle, mais une mise en scène virtuose, bourrée de longs plans-séquences, de recherche des complémentarités de couleurs, de chorégraphies de bals et de costumes flamboyants.

Modernité donc pour une œuvre classique. Dans ce sens, les acteurs sont convaincants, Joe Wright ayant eu le bon goût de ne pas leur faire réciter le texte original avec un pseudo-accent russe. Keira Knightley, bien plus frêle et moins voluptueuse qu’imaginée par Tolstoï, sait communiquer les contradictions de son cœur, elle qui a déjà incarné l’hystérie dans A dangerous method. Jude Law matérialise sobrement le mari cocu et flegmatique tandis qu’Aaron Johnson (Vronski) fait rouler à merveille ses yeux bleu acier.

par Paulo Wirz

Anna Karenine, de Joe Wright, avec Keira Knightley, Jude Law et Aaron Taylor-Johnson

 

 

 

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