Deux vignerons de Lavaux, mariés et d’âge respectable, tombent amoureux… l’un de l’autre. Dans les terres viticoles vaudoises, au cœur du conformisme terrien, autant dire que les deux hommes ne sont pas bien vus. Daniel Fazan explore ces amours masculines avec une belle truculence.

On a pourtant des craintes au début, lorsqu’il abuse des métaphores viticoles, parfois, il est vrai, avec jouissance, quand le narrateur parle de son épouse: «Elle porte le phylloxéra du couple.» Il y a donc d’un côté l’humour vache avec Roberte, de l’autre l’amour poilu avec Roger. Au fil des pages, le texte devient de plus en plus convaincant. Le récit tendre des amours vigneronnes prend le dessus, même si Daniel Fazan égratigne de bout en bout l’esprit étroit des habitants des coteaux.

Les deux vignerons aiment leur métier autant que leur amant. Et Daniel Fazan fait un éloge appuyé du travail de la vigne et de ses fruits. Il accorde aussi une large place aux dangereuses accoutumances du métier. Le narrateur doit se sevrer. «Si j’arrête de boire, je meurs. Si je continue de boire, je meurs.» Millésime met aussi en lumière la manière très différente de vivre l’homosexualité chez les sexagénaires et chez leurs descendants. Le fils du narrateur, homosexuel apaisé, s’épanouit avec son partenaire.

Daniel Fazan a du souffle et la plume très colorée. Millésime présente une écriture libérée pour une belle histoire d’amour. Le texte est porté par une sensibilité nerveuse semblable à celle qu’on éprouve en buvant du chasselas. Un récit à fleur de peau.

par Charly Veuthey

Daniel Fazan
Millésime
Olivier Morattel / 152 pages
notre avis: ♥♥