Du Hobbit en crèche de Noël

La formule est consacrée, le titre est récalcitrant. Le Hobbit: un voyage inattendu est un film très attendu. Nous, ce qu’on attend, c’est Les Bêtes du sud sauvage. Ceci pour dire qu’en matière de Hobbit le monde se divise en deux catégories: ceux qui leur vouent un culte et ceux qui rêvent d’un Colt pour les tirer comme des lapins. Pour autant, il est possible de voir le film sans prendre le parti des amoureux de Bilbon ni rallier le camp des grincheux qui ne peuvent pas le saquer.

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L’histoire peut se boire cul sec: des nains en cotte de mailles se mettent en tête de reprendre leur royaume usurpé. Ils partent en quête, un hobbit sous le bras, un magicien au-dessus de leurs têtes, jusqu’au Mont solitaire. Ils affronteront des orques, des trolls, des gobelins, tout un tas de méchantes bêtes en attendant de combattre le dragon qui a conquis leur royaume.

Sinon, il y a la méthode exégétique: repérer, nouer, sous-peser les passages de Tolkien dans les séquences de Peter Jackson. Et raccrocher ce dernier opus à la trilogie du Seigneur des anneaux, la littéraire ou la cinématographique, ou inversement. Les puristes et les béotiens peuvent entrechoquer leurs aiguilles, leur champ de bataille n’est rien d’autre qu’un blockbuster bien fichu, à consommer quelquefois l’an pour se distraire.

Un film délassant malgré ses trois heures, ses transitions qui tombent comme le fil sur du beurre fondu, malgré l’alternance mécanique entre les scènes d’explication et les scènes d’action. Distrayant parce qu’il appelle un regard d’enfant. Le spectateur se souvient alors des films qui lui ont inculqué le fantastique et l’épique. Pour certains ce fut l’indétrônable Excalibur de John Boorman ou L’histoire sans fin de Wolfgang Petersen, pour d’autres ce sera Le Hobbit et Le Seigneur des anneaux.

Peter Jackson parvient à prendre ce relais, parce qu’il a l’art de tricoter l’épopée. Malgré des procédés répétitifs, sa maille reste fluide et tendue. Et puis, il pratique le planter de décor goulûment, en aménageant tout sur son passage. Dix ans d’évolutions technologiques le séparent de sa dernière trilogie, le réalisateur s’en sert avec boulimie. Les tableaux se multiplient aussi différents les uns les autres. A chaque fois, ce sont des chemins mystérieux, des grottes sombres, des édifices vertigineux qui invitent l’imagination. On est comme des gosses devant une crèche de Noël, à scruter ses perspectives et ficher une aventure dans ses moindres recoins.

Il y a trente-cinq ans, «La Guerre des étoiles» mettait en scène des personnages qui ressemblaient aux jouets dans nos armoires. En 2012, un Hobbit se bat contre un troll comme dans un jeu vidéo.

Si la 3D est toujours aussi peu probante, les séquences d’action sont d’une fluidité bluffante. Pour un peu, on croirait chevaucher les aigles géants en compagnie de Gandalf le Gris. Certes on peut regretter la chaleur d’un procédé plus artisanal et répéter que la magie du cinéma, de Méliès à Burton, est plus souvent la conséquence d’une donnée ôtée au réel que l’inverse. Mais une bouchée de ce cinéma-là, pourquoi pas? Le bonbon s’avale tout rond.

Il y a trente-cinq ans, La Guerre des étoiles mettait en scène des personnages qui ressemblaient aux jouets dans nos armoires. En 2012, un Hobbit se bat contre un troll comme dans un jeu vidéo. Les temps changent. Autrefois, les enfants avaient de la pâte à modeler sous les ongles. Aujourd’hui, ils ont les lettres du clavier incrustées sur les doigts. Les temps changent, mais l’imagination demeure.

Le Hobbit: un voyage inattendu, de Peter Jackson, avec Ian McKellen, Martin Freeman, Richard Armitage, Ian Holm

 

 

 

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